Un grand espoir naît à l’est (parisien). Il est le fruit d’un paradoxe : la ligne éditorialo-commerciale de Charlie Hebdo a poussé ses principaux animateurs, il y a quelque temps déjà, dans les bras des « Républicains des deux rives », pour reprendre les mots d’un de leurs mentors, Jean-Pierre Chevènement. Sous couvert de laïcité, ils ont en effet épousé les thèses culturalistes les plus courageuses et participent désormais à la grande opération de désignation de l’ennemi de la liberté et des droits de l’homme : le « Musulman », cet être féroce qui, urbi et orbi, vient égorger nos fils et nos compagnes. Charlie n’est pas seul dans ce noble combat : la cause a su mobiliser les justes du monde entier, du chevalier Anders Breivik aux plus grands artistes danois, des immenses réalisateurs états-uniens aux meilleurs penseurs de l’hexagone : Caroline Fourest, Eric Zemmour etc. Pour prix de leur bravoure et de leur témérité, l’Etat français, garant des libertés fondamentales, a donc logiquement doté nos paladins du mercredi matin d’anges gardiens qui les suivent partout où leurs pas les mènent. Et c’est bien là que naît l’heureux paradoxe de cette situation. En dépit de leur ralliement aux forces vives de la Civilisation, nos plumitifs inspirés n’ont pas abjuré de leur jeunesse tumultueuse. Ils continuent en effet à écumer magasins de disques alternatifs et librairies sulfureuses. Mais ils le font désormais en bonne compagnie. On peut donc espérer que ces braves gardiens de la paix affectés à la défense de la liberté d’expression de Charlie élargissent leur champ culturel. Désormais non seulement les murs des commissariats seront tapissés des unes de l’hebdomadaire rebelle, mais les forces de l’ordre pourront compléter leur formation par un stage pratique dans les milieux interlopes de l’underground parisien.
Merci qui ? Merci Charlie.