Les tirs d’artillerie trop courts tombent toujours sur la première ligne. Qui compose la première ligne dans ce climat social tendu ? Les quartiers et classes populaires.
Lors du meeting de la Mutualité, le ministre de l’intérieur a volontairement tiré trop court. Son intention est de faire rentrer dans le rang ou de criminaliser celles et ceux qui se battent au quotidien.
Dans son discours, Manuel Valls a fait mine de prendre la monté de l’extrême droite au sérieux et posé la République et ses institutions en rempart face à la barbarie.
On pourrait sourire, si derrière ce discours républicain il n’y avait une menace directe à l’encontre des militants de quartier.
Comme toujours avec les dominants, il faut s’en tenir aux faits. Si Dieudonné et Soral annoncés ennemis politiques numéro 1 par le ministre de l’intérieur sont toujours en place et font fortune, cela démontre deux choses :
– la première c’est que l’explication du monde délivrée par nos businessmen de la « dissidence » ne cadre pas avec ce qui passe. Soral et Dieudonné expliquent qu’ils luttent contre un pouvoir « sioniste » implacable et totalitaire qui dirige la France, or à ce jour ils sont en vie et riches. Si ceux qu’ils dénoncent comme étant leur ennemis étaient vraiment tout puissants ils seraient neutralisés depuis longtemps. On peut aussi penser que ces ennemis tout puissants existent mais que ni Soral ni Dieudonné ne les dérangent.
– seconde chose, à défaut de s’en prendre de manière sérieuse à l’extrême droite, le pouvoir en place se sert de la posture morale sur le racisme pour faire passer à la trappe ses renoncements en matière de justice économique et sociale. Chacun commémore la Marche pour l’Egalité à sa manière.
Les sanctions frappant les syndicalistes ou les militants en lutte sont autrement plus lourdes que des amendes données à des chefs d’entreprises prospères comme Soral et Dieudonné.
Dans les faits, ce petit monde tient dans un mouchoir de poche : Philipe Péninque, l’un des fondateurs de l’association de Soral est un proche de Cahuzac ancien collègue de Valls. Amis en privé, concurrents en affaires et en politique.
Lors de sa diatribe, Valls fait monter le buzz de Dieudonné et Soral en les citant et les désignant comme « les » rebelles au système, mais ne les attaque pas.
Les véritables cibles de son laïus sont les militants de quartiers.
Le mécanisme est simple : le fascisme serait partout dans la tête des banlieusards et s’il y a velléités de faire une liste citoyenne et indépendante aux municipales – qui s’annoncent désastreuses pour le PS – c’est du communautarisme antisémite et raciste. Toute tentative politique émanant de quartiers, ou menée au sein des classes populaires est assimilable à du communautarisme antisémite. Valls ne cite aucune liste ou ville en particulier qui seraient anti ou communautariste : c’est le fait de ne pas être inféodés à un parti politique institutionnel qui fait l’antisémite et le communautariste.
Toujours cette distinction : Parti socialite républicain VS la masse informe issue des quartiers aux objectifs politiques communautaristes.
Le PS nourrit le FN de ses échecs, et le FN conforte le PS dans sa logique qu’il faut sacrifier les habitants des quartiers. Les militants qui refusent de rentrer dans les rangs en pointant les renoncement de la gauche sont donc, selon le ministre de l’intérieur, de potentiels « antisémites ». On est face à des menaces claires à l’encontre de toutes tentatives autonomes issues des quartiers, elles sont toutes désignées comme des ennemies de la République. Dont le seul garant est le PS : CQFD.
Le combat de solidarité au peuple palestinien auquel ni Soral ni Dieudonné ne participent concrètement est donc d’office criminalisé. Les luttes contre les crimes policiers deviennent un combat communautaire. Contester les discriminations, c’est attaquer la République. Protester c’est être d’extrême droite. Le but du gouvernement actuel et des précédents est de tuer toute révolte des classes populaire en l’étouffant. Les classes populaires doivent rester à genoux si ce n’est à terre et quémander les miettes, socialistes aujourd’hui, umpéiennes avant.
Ce spectacle de marionnettes entre Valls, Soral et Dieudonné, distrait les moins engagés des nôtres : Valls fait semblant d’attaquer ses confortables ennemis du net et leur confère ainsi une légitimité malgré leur inexistence dans les luttes. Dieudonné et Soral jouent les ennemis publics numéro 1 en faisant dans la surenchère raciste et servent ainsi de repoussoir vers la République pour des personnes qui ne veulent pas être taxées de communautariste ou de barbare.
La République et ses institutions ne sont pas des remparts contre les agressions à caractère racistes qui sont en hausse depuis une décennie.
La police ne protège pas de ses propres abus et crimes.
L ‘antiracisme moral ne lutte pas contre le racisme structurel et économique quand il avalise l’idée que l’immigration est un problème, alors que ce sont les élites au pouvoir qui ont fait de l’immigration et l’islam un problème.
Ce que propose Valls c’est une capitulation totale et sans condition des militants, sous peine d’être assimilés à ceux qu’ils combattent.
Ce que dit Valls n’est pas un tournant, cette stratégie de coincer entre le marteau et l’enclume les quartiers est à l’œuvre depuis plusieurs décennies.
Désigner ainsi une éventuelle collusion entre quartiers et extrême droite montre à quel point, faute de solution économique, le besoin de cadenasser les classes populaires est une urgence pour les dominants.
Le PS et le FN ont, au moins, deux positions en commun : ils prétendent s’adresser aux mêmes classes sociales et ne veulent pas d’un changement économique. Plus la crise devient intense, plus ils convergent dans un discours et des actes anti-immigrés. Ces deux formations désignent des groupes sociaux à sacrifier. Seule, leur manière de s’adresser à la société change.
Valls, Soral et Dieudonné partagent tous trois une démagogie en direction des classes populaires en se posant comme des protecteurs. Le PS joue cette carte de grand frère depuis la marche pour l’Egalité et contre le Racisme de 1983, les satellites du FN comme Soral tentent aussi une récupération en tendant la gamelle.
Le tir de Valls est en direction de Soral et Dieudonné non pas parce qu’il les attaque, mais parce que faute de solution il veut créer un clivage en imposant un faux choix aux habitants des quartiers : soit PS soit FN. Que ce soit pour Valls, ou pour Soral il n’y a jamais assez de blancs en France et c’est sur ce sujet qu’ils détournent notre attention.
11 Réponses vers “Manuel Valls nous a dans son collimateur”