Les droites radicales nous expliquent que les réformes lancées par l’UMP et entérinées par le PS visent à nous transformer tous en « LGBT », qu’un lobby pédophile dirige les élites du pays, que la « féminisation » de la société est responsable de la dégradation de la situation sociale en France, que le lynchage des Rroms est un moyen de réconciliation nationale et que la Révolution française a pris le dessus à grâce à « l’usure » sur la France chrétienne et monarchique qui faisait le bonheur des braves gens. Ces alternatives deviennent audibles parce que les médias classiques sont décrédibilisés. Pourtant, la réalité demeure inchangée : au quotidien, les conditions de vie se dégradent.
Si vraiment ce que racontent les droites tenait debout, on en verrait la traduction au quotidien. Dans un monde injuste, être à la place des dominants, c’est jouir de privilèges. Le mode de vie des privilégiés influence toute la société : tout le monde veut leur ressembler. Dans ce cas, les normes LGBT qu’on nous présente comme incontournables devraient être imitées en masse dans nos quartiers.
Qu’en est-il ? Il suffit de répondre franchement à ces questions :
Est-il plus simple d’être un homme ou une femme dans notre société ?
Est-ce une bénédiction d’être noir-e ou maghrébin-e en France ou est-ce plutôt synonyme de galères ?
La religion musulmane fait-elle partie du terroir français ou est-elle davantage un objet de fantasmes ?
Est-il trop classe d’être homosexuel.le dans un quartier ? Peut-on l’assumer sans crainte de rejet ou d’agressivité ?
Est-ce le bonheur de vivre comme les Rroms? Qui voudrait troquer sa place contre la leur ?
Est-il misérable d’habiter un pavillon et d’avoir fait des études plutôt que de profiter des « largesses » du RSA ?
Si vous avez un doute, posez ces questions autour de vous.
Contrairement à ce que les droites veulent nous faire croire à grand renfort de théories sur l’éducation et la morale, on ne tire aucun avantage d’être discriminé, pas plus qu’on ne choisit sa couleur, sa culture ou son orientation sexuelle.
S’il est plus facile d’être une femme de nos jours, pourquoi les femmes ont-elles toujours le droit aux pires boulots ou prennent-elles toujours des raclées ?
Si vraiment c’était le bonheur d’être noir ou maghrébin en France, ne seraient-on pas dirigés par davantage de noirs ou de maghrébins?
Si porter le Hijab ou la barbe était valorisant dans notre société, les rues de Neuilly ou de Versailles n’en seraient-elles pas pleines ?
Si c’était le top d’être homosexuel aujourd’hui, ne rêverait-on pas de devenir homosexuel plutôt que footballeur ?
La réalité est que personne ne rêve d’être discriminé. Chacun aspire simplement à une réussite économique et sociale.
La Gauche de gouvernement a décidé de ne plus transformer la société. Alors, afin de sauver la face, elle fait des réformes bancales pour tenter de lutter contre les discriminations.
En gros, elle aspire à ce que les individus demeurent en concurrence économique, sans que leurs différences soient prises en compte. Intellectuellement, promettre aux gens qu’ils pourront tous se mêler à la compétition sans subir le poids de l’Histoire et/ou du déterminisme social est malhonnête. Politiquement, il s’agit d’un moyen de culpabiliser ceux qui n’y arrivent pas.
La concurrence économique (entre jeunes et vieux, entre hommes et femmes, entre « français » et immigrés, étrangers) met en exergue les différences, renforce les inégalités et permet au passage de tirer les salaires vers le bas. Les discriminations sont un des piliers du libéralisme économique. Elles ne peuvent donc être combattues par une posture morale et des campagnes contre les préjugés. Faire mine de lutter contre elles sans prendre des mesures économiques justes, c’est se prendre les pieds dans le tapis et donner le bâton pour se faire battre par les droites radicales.
Si tout le monde finit par admettre que les différences impliquent et justifient l’inégalité, cela induit une hiérarchie naturelle contre laquelle les postures morales de la social-démocratie ne peuvent rien.
L’exemple des femmes est significatif. Alors que les inégalités de salaires entre hommes et femmes demeurent flagrantes et que nombre de mères élèvent seules leurs enfants dans nos quartiers, les droites nous font croire que le malheur vient du fait qu’elles ne disposent pas des capacités naturelles pour être autonomes. Si elles retournaient aux fourneaux, soumises à leurs maris : tout irait pour le mieux.
Afin d’étayer leur fable, des opinionistes comme Zemmour et Soral nous expliquent les problèmes de la société viennent du fait que les femmes ont des droits et peuvent se vendre sur le marché du travail d’autant plus facilement qu’elles sont jolies.
D’après ces génies de la rhétorique, les femmes, réduites au rang d’objets dans une société marchande, se retrouveraient soudain en position dominante, déclenchant la haine et la frustration des hommes de leur milieu social. Plutôt que de demander un salaire égal, elles feraient donc mieux de retourner à la cuisine pour ramener la paix sociale. C’est le programme du FN, vieux comme Vichy.
Thomas Sankara, qui était pour l’émancipation des femmes (et donc opposé à Soral, malgré ce que ce dernier tente de faire croire), avait fait le constat de la domination masculine et savait qu’il fallait lutter pour l’égalité :
« Un homme, si opprimé soit-il, trouve un être à opprimer : sa femme ! »
L’objectif du discours des droites est de faire croire à l’existence d’un âge d’or, où la femme connaissait sa place, où l’homme dominait et où, par conséquent, tout était merveilleux. En somme, les droites veulent canaliser les colères pour faire admettre que l’inégalité est naturelle et que le salut réside dans un modèle où les discriminations sont institutionnalisées.
Même chose à propos de l’homosexualité. Il y a toujours eu des homosexuel.le.s. Ce qui change, c’est la perception qu’ont les sociétés de l’homosexualité. Dans nos quartiers, c’est aussi la pression sociale et les normes édictées par les dominants qui forgent la perception qu’on a des homosexuel.le.s, quel que soit le mélange des cultures. En pratique, les homosexuel.le.s demeurent largement discriminés et déconsidérés, dans les quartiers populaires comme dans les zones rurales. Les adolescents homosexuel.le.s se suicident 7 à 13 fois plus que les autres et ce n’est pas fortuit.
Faire croire que les lois accordant les mêmes droits aux homosexuel.le.s sont en réalité destinées à assurer la promotion sociale des homosexuel.le.s et de l’homosexualité est alors totalement hypocrite. C’est le discours de ceux qui refusent de voir disparaitre les discriminations liées à l’orientation sexuelle, précisément parce qu’elles leur garantissent des privilèges économiques. En prime, ils justifient ces discriminations par des jugements moraux et religieux, au nom d’un supposé ordre naturel. Dans la contradiction la plus totale avec les faits, les homosexuel.le.s sont transformés en privilégiés, comme les femmes sont transformées en dominantes : belle pirouette !
Dans un pays ou l’islamophobie est monnaie courante, il est singulier de remarquer que ceux qui dénoncent l’islamisation de la France réussissent à diffuser leurs schémas de pensée auprès des musulmans. Alors que tout le monde s’accorde à dire que « Dieu est seul juge », on assiste à la mise en place de tribunaux spontanés pour dénoncer la perversité satanique des élites qui veulent imposer l’homosexualité. Et ces tribunaux nous veulent comme procureurs ou témoins à charge.
Si les islamophobes et les nationalistes veulent faire des quartiers populaires le fer de lance de leurs combats réactionnaires, c’est parce que la lutte contre les discriminations leur fait perdre une partie de leurs privilèges. En période de crise économique, une partie des dominants refuse de partager le gâteau ou de perdre du terrain face à de nouveaux concurrents tels que les femmes, les homosexuel.le.s ou les immigrés. Pour conserver leurs privilèges, ils s’offusquent de la remise en cause d’un ordre naturel, dont ils sont, comme par hasard, les principaux bénéficiaires. Pour enrôler les quartiers populaires dans cette escroquerie, leurs idéologues ont choisi un thème qui fait consensus : les « normes familiales ».
Cette stratégie révèle la vision qu’ont les droites des quartiers populaires. Ils nous considèrent comme des populations arriérées, crédules et sacrifiables. De parfaits supplétifs, qui au bout du compte paieront l’addition.
La charge actuelle est grave, parce qu’elle se fait à nos dépends. Elle sert à dynamiter les quelques acquis sociaux qui nous restent. Parce que derrière cette offensive au nom de Dieu et des valeurs, il n’y a pas de proposition concrète pour améliorer notre sort, pas de projet politique et économique alternatif. Il n’y a que des offres commerciales, des produits à vendre. Derrière les critiques de Soral, il y a toujours une proposition de livre ou de DVD à lui acheter. Son délire de « désionisation » de la France ne tient pas la route et il n’a jamais de projet concret à proposer, si ce n’est le vote FN. Qui croit vraiment que le programme de ce parti peut être bénéfique aux classes populaires et à l’immigration ? Même dans les terres du Nord, le FN ne fait que défendre les intérêts de celles et ceux qui possèdent ne serait-ce qu’un peu.
Quand Zemmour fait scandale, il ne sert qu’à vendre de l’espace publicitaire : il n’a pas de projet de société à proposer, si ce n’est accroître les injustices.
Quand les catholiques intégristes nous expliquent qu’il faut revenir plus de 200 ans en arrière, avant 1789, ils n’ont pas de réponses aux difficultés du monde d’aujourd’hui.
Celles et ceux qui les suivent et qui se présentent comme « des nôtres » le font avec le masque culturel ou religieux, car c’est ce qui, pensent-ils, les relient à nous, alors même qu’ils appartiennent souvent à des milieux économiques plus privilégiés. Ce qui les motive, c’est l’espérance de progresser dans la hiérarchie sociale. Ils veulent devenir nos référents et nos représentants, pour pouvoir souper avec les riches et se vanter auprès d’eux d’avoir d’une audience dans les quartiers. Ils ne veulent pas changer le monde ni combattre les injustices. En nous faisant combattre pour eux une menace fantôme, ils défendent leurs intérêts personnels et ceux de nos pires ennemis.
Pour les défenseurs de la France blanche et chrétienne, nous sommes au mieux des animaux de compagnie sinon des bêtes de somme qu’on pourra abandonner à la première opportunité. Ceux qui travaillent avec eux le savent et n’ont pour seule optique que leur avancement social personnel. Nous n’avons rien à gagner à les rejoindre, excepté notre propre anéantissement.
On ne va pas se mentir : lutter contre les discriminations n’est pas faire la promotion du vice. Par contre, ceux qui voient dans nos peurs l’occasion de faire du fric ou de bâtir une carrière sont des personnes malveillantes. Pour faire passer la pilule, ils tentent de nous faire sentir comme c’est agréable de s’en prendre à plus faible que soi et nous montrent que c’est ce qu’il faut faire pour être du côté des puissants. Ils nous mentent et espèrent qu’on se mente à nous même, afin de gratter un peu d’argent et de pouvoir.
Thomas Sankara, l’homme intègre, ne nous mentait pas :
« Ni le coran, ni la bible, ni les autres n’ont jamais pu réconcilier le riche et le pauvre ! »
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