Dans cet entretien de novembre dernier, le réalisateur israélien antisioniste Eyal Sivan coréalisateur notamment avec Michel Khleifi de Route 181, fragments d’un voyage en Palestine-Israël, développe sur ce qui fonde la base de son dernier long métrage sorti l’an dernier aux éditions de La Fabrique, accompagné d’un essai co-signé avec Eric Hazan, Un Etat commun entre le Jourdain et la mer.
Il revient notamment sur la logique proprement coloniale qui fonde ce qu’on nous sert à longueur de temps comme résolution du « problème » palestinien : la solution à deux États, c’est-à-dire la partition de la Palestine historique en un État juif et un État palestinien, solution « adoptée » depuis 1948 à l’ONU par la résolution 181, dans les conditions que l’on sait. Il expose clairement ce qui est à la base de cette pensée de la partition : le souci de séparation, ethnique, raciale, religieuse, destiné à perpétuer ou plutôt à instituer une autre séparation, territoriale et sociale, et à maintenir les Palestiniens dans une situation de précarité coloniale. En gros, la fondation d’un État palestinien fantoche ne changera rien au sort de sa population. À cette volonté de « partition », il oppose l’idée d’un « partage », fondé entre autres choses sur une mémoire commune du colonialisme européen et sur la dilution de cette pensée de la pureté et de la ségrégation qui fonde la politique d’Israël –et la fameuse solution à deux États– dans une construction commune.
Sivan revient également sur un des fondements de cette pensée ségrégationniste : la peur des Israéliens, dont il démontre qu’elle est en grande partie une peur idéologique, une technologie de pouvoir qui permet de garantir une cohésion sociale interne et d’assurer pour le pouvoir un blanc-seing pour sa politique militariste qui –c’est un des points importants du livre– mène dans le mur.
On remarquera au passage de très bons commentaires sur l’union sacrée en France des sionistes et des antisémites déguisés en antisionistes, qui nient le réel, c’est-à-dire l’existence même d’Israël. Preuve s’il en est qu’on peut être clairement antisioniste sans s’opposer à l’existence d’Israël, contrairement à ce que font semblant de croire certains observateurs médiatiques soucieux de rabattre toute opposition à la politique coloniale israélienne sur de l’antisémitisme, sans doute par souci d’économie conceptuelle –la politologie de magazines étant elle-même une science éprise de pureté : il vaut mieux ne pas multiplier les catégories, c’est moins vendeur.
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