Alain et Bernard sont sur un plateau

6 Déc

La chaîne francophone israélienne I24 nous a offert malgré elle un grand moment de télévision. Au court d’un débat à la tournure inattendue le vrai visage du sionisme s’est offert a ceux qui veulent bien le voir tel qu’il est et non comme il se décrit ou tel que d’autres le fantasment.

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Ce moment rare de télévision, où la parole échappe au contrôle de ceux qui la mettent en scène, n’a été possible que grâce à la vanité et a l’arrogance d’Alain et Bernard. Il faut voir comment pendant 15 minutes ces deux monuments de la pensée monopolisent la parole afin de se mettre en scène et comment le pauvre Nissim, ancien ambassadeur israélien en France attend péniblement son tour pour pouvoir en placer une face à ces deux bavards. Dans un débat qui devait être simple : expliquer par tous les arguments possible pourquoi le parlement français a tort de demander la reconnaissance de l’état palestinien,  la logorrhée des deux sionistes parisiens a eu raison de la patience de Monsieur l’Ambassadeur. Magie du direct, on assiste à la possibilité de ce moment splendide où Nissim dans un discours décousu dévoile le visage du sioniste et de sa contradiction existentielle. Comment bâtir un état juif démocratique ? Telle est la question.

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Modestement, on se propose donc d’aider nos 3 sionistes a réfléchir.
Pour être démocratique le sionisme a besoin d’une majorité juive qui se reconnaît dans le projet de construction d’un État juif. Problème originel, là où s’implante ce projet c’est la Palestine et il y a déjà des palestiniens. Il faut donc coloniser et faire place nette.
Il y a en effet peu de chance que les autochtones palestiniens des arabes musulmans, juifs, chrétiens et athées  marchent dans la combine d’un projet étatique basé sur la judaïté et le rejet de l’identité arabe qui ferait d’eux dans le meilleurs des cas des citoyens de seconde zone. Le mouvement sioniste est conscient de cette réalité qu’il cherche à masquer sous les oripeaux du socialisme kibboutzique ou d’autres illusions démocratiques. Mais la branche la plus lucide et déterminée des sionistes ne se cache pas derrière des illusions socialistes ou démocratiques. C’est le courant porté par Jabotinsky qui reste le maître à penser de la droite nationaliste Israélienne. Le 4 novembre 1923, Jabotinsky explique clairement les enjeux et les combats du projet sioniste. 91 années avant le ridicule passage du duo parisien sur I24 tout ce qui est sous-jacent dans la tirade de Nissim est déjà posé et expliqué et vaut condamnation politique du sionisme:

« Tous les autochtones – qu’ils soient civilisés ou sauvages – considèrent leur pays comme leur foyer national, dont ils seront toujours les maîtres absolus. Ils n’accepteront pas volontairement, non seulement un nouveau maître, mais même un nouveau partenaire. Et c’est la même chose pour les Arabes.  Les partisans du compromis parmi nous tentent de nous convaincre que les Arabes sont des sortes d’idiots qui peuvent être trompés par une formulation atténuée de nos objectifs ou une tribu de grippe-sous qui abandonneront leur droit sur la Palestine contre des gains culturels et économiques. Je rejette catégoriquement cet avis sur les Arabes Palestiniens.
Culturellement, ils ont 500 ans de retard sur nous, spirituellement ils n’ont pas notre endurance et notre force de volonté, mais cela résume toutes les différences internes. Nous pouvons parler autant que nous voulons de nos bonnes intentions, mais ils comprennent aussi bien que nous ce qui n’est pas bon pour eux. Ils considèrent la Palestine avec le même amour instinctif et la même véritable ferveur que les Aztèques considéraient leur Mexique ou que les Sioux considéraient leurs prairies.
Penser que les Arabes consentiront volontiers à la réalisation du Sionisme en échange des bénéfices culturels et économiques que nous pourrions leur accorder est infantile. Ce fantasme infantile de nos « Arabophiles » vient d’une sorte de mépris envers le peuple Arabe, d’une sorte de vision infondée de cette race comme étant des canailles prêtes à se laisser soudoyer afin de vendre leur patrie contre un réseau de chemins de fer.
Cette vision est absolument infondée. Des individus arabes peuvent peut-être être achetés mais cela ne veut pas dire que tous les Arabes dans Eretz Israël sont prêts à vendre un patriotisme que même les Papous n’échangeraient pas. Chaque peuple indigène résistera aux colonisateurs étrangers aussi longtemps qu’il verra un espoir de se débarrasser du danger d’une colonisation étrangère. »

Nissim avec ses mots et ses illusions d’israélien qui se veut sioniste mais ne s’imagine pas bourreau rappelle juste cette réalité a nos deux sionistes parisiens. Sa tirade, c’est l’expression de la culpabilité de celui qui tire, tue et qui pleure après. C’est la culpabilité souvent sincère de celui qui déplore les conséquences de ses actes. Être sioniste c’est coloniser. Coloniser c’est occuper. Occuper c’est opprimer.

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Pour ne pas être un bourreau il ne faut ne faut pas être un sioniste. En Palestine comme à Paris, il est compliqué d’assumer de se salir les mains. Tous les fascistes/racistes n’ont pas la franchise et la volonté d’assumer leur projet comme Jabotinsky.

« si quelqu’un objecte que ce point de vue est immoral, je réponds : Ce n’est pas vrai; soit le sionisme est moral et juste, soit il est immoral et injuste. Mais c’est une question que nous aurions dû résoudre avant de devenir Sionistes. En fait, nous avons résolu cette question, et par l’affirmative.
Nous prétendons que le Sionisme est moral et juste. Et puisqu’il est moral et juste, la justice doit être rendue, peu importe que Joseph, Simon, Ivan ou Ahmed soit d’accord ou non. »

Ce texte de Jabotinsky a le mérite de la franchise. Le sionisme, c’est un projet politique colonial qui veut construire un état sur des critères religieux sur une terre qui ne lui appartient pas et qui est déjà occupée par un autre peuple. C’est pour cela que c’est un projet politique condamnable.
Le sionisme ce n’est pas un mouvement maléfique qui vise à dominer le monde comme veulent nous le faire croire tous ceux qui nous le dépeignent sous le trait d’un pouvoir secret dont l’origine remonte presque à la nuit des temps dans une forme de métaphore ou de prolongement du combat originel entre le bien (Dieu) et le mal (le diable). Pour comprendre le sionisme pas besoin d’être un spécialiste en religion ou en géométrie. Inutile de tout savoir sur les triangles ou de reconnaître les signes du diable.
Le sionisme c’est un mouvement politique né en Europe au 19eme siècle, porté par des européens juifs ou non (Balfour n’était pas juif). Façonné par le nationalisme européen et les discriminations que subissent les populations juives d’Europe. Le sionisme c’est une réponse raciste à une oppression raciste. Rien qu’en cela, c’est condamnable.

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Nos trois pauvres sionistes sur le plateau d’I24 ne veulent pas se voir tel qu’ils sont. Ils savent en revanche ce dont ils ne veulent pas : un État binational. La sainte horreur pour tous les racistes. Un État qui donnerait les mêmes droits à chacun, tout en reconnaissant les singularités de chacun. Ils savent ce qu’ils veulent : conserver leur acquis, la terre conquise sur la Naqba . Mais voilà, ils ne veulent pas ou ne veulent plus se salir les mains. La vue du sang qu’ils ont fait couler les révolte. Alors, ils se raccrochent à leur idéologie de séparation et de pureté ethnique que décrit Eyal Sivan et qui résonne en France de façon singulière avec les projets politiques de tous ceux qui nous vendent des idées de séparation ou d’identité nationale.
Malheureusement pour nos trois invités de I24, les faits sont têtus et comme l’expliquait Jabotinsky:
« La colonisation a sa propre explication, intégrale et inéluctable, et elle est comprise par tous les Arabes et tous les Juifs en possession de leurs esprits. La colonisation ne peut avoir qu’un seul objectif. Pour les Arabes palestiniens, cet objectif est inadmissible. C’est dans la nature des choses. Changer cette nature est impossible. »
Les sionistes que le sang et la douleur qu’ils sèment ne révulsent pas, pensent que leur force et leur brutalité permettra de prendre le dessus sur « cette nature des choses ». Nous faisons le pari inverse: quelle que soit la hauteur de la muraille de fer du sionisme constituée par des baïonnettes anglaises hier, américaines aujourd’hui et peut-être russes demain, ce mur de fer et de sang tombera et ceux qui l’auront érigé ou défendu devront répondre de leurs actes..

5 Réponses vers “Alain et Bernard sont sur un plateau”

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