Dur de se faire passer pour un rebelle ennemi du système quand on appartient au champ politique qui kiffe la police et l’uniforme.
Pourtant, c’est possible. Il suffit de faire preuve d’une hypocrisie a toute épreuve, et de n’avoir aucune considération pour son auditoire.
Thomas Nlend est passé maître dans cet art de raconter des mensonges avec le plus grand sérieux. Pour ce faire, il vaut mieux revêtir un nom de scène. Thomas a choisi « Mathias Cardet » : c’est joli, et ça fait plus français que Nlend pour vendre sa soupe aux nationalistes.
Aujourd’hui, son entreprise de divertissement, une sorte de SACEM « dissidente », doit se démarquer de l’image quelque peu ternie d’Alain Soral. C’est délicat, parce que c’est « l’ami Alain », qui tient les cordons de la bourse.
Il y a un an c’était l’euphorie, tout le monde gravitait autour de Soral et Dieudonné en espérant pouvoir faire des affaires en vendant des produits dérivés d’ananas et de quenelles aux pouvoirs « révolutionnaires ».
Un an après, c’est le chaos, tout ce petit monde se tire dans les pattes. Chacun doit sauver sa part de marché auprès d’un public qui confond provocations verbales outrancières sur internet et militantisme engagé.
Le créneau Cardet c’est de bicrave une unité potentielle du style « United Colors of Benetton » mais sans les juifs, qui irait du gars de quartiers jusqu’aux policiers rebelles. C’est un ratissage ambitieux mais c’est le minimum pour qui espère faire des bénéfices en vendant de la musique et des goodies.
Avec une telle lecture du monde, des policiers rebelles il y en a plein. La preuve, il suffit de regarder le nombre de condés qui font la quenelle. Dans la vraie vie c’est un peu diffèrent. C’est étrange, des policiers rebelles on n’en croise jamais dans les luttes. Par contre quand il faut réprimer durement les manifestations, comme celle contre Exhibit B, du policier motivé pour casser du militant, là il y en a.
Pas grave, ce genre de contradictions n’empêche pas Cardet de vendre ses fables sous forme de vidéos ou de livres pour grands enfants. Cardet s’invente un monde dans lequel il a été un hooligan de premier plan et où les policiers sont potentiellement des amis. ACAB c’est pour les vilains gauchistes, ACAF (All Cops Are Friends) ce serait pour les vrais durs comme lui. Puisqu’il est censé avoir été un hooligan dans les années 90 au Parc des Princes, il faut qu’il aille expliquer son concept à ceux qui étaient réellement au stade à cette époque mais qui n’en font pas des romans. Il devrait en discuter par exemple avec les deux Juliens T. principaux acteurs du lynchage des CRS ce jour là au Parc des Princes en 1993.
Ce genre de contorsion idéologique est commun à ce monde de mythos de l’extrême droite. Les artistes « BDH » (la plateforme de Cardet) qui mettent du Faurisson sur un beat et une boucle ne font pas exception à la règle. Ces convulsions conduisent à des impasses comme participer à « jour de colère ». Quand on vient d’une tess, même payé par Soral pour y faire de la figuration sur place, on a les oreilles qui sifflent. En immersion dans ce milieu on entend que la France doit être blanche tout en parlant d’unité entre « rebelles ». La réalité c’est que les nationalistes ne blaguent pas avec la pureté raciale de leur beau pays, et ceux des nôtres ou assimilés qui ont décidé de se vendre à eux pour des flatteries ou de l’oseille se préparent un réveil pénible.
Les nationalistes français ont pour particularité de défier uniquement l’ordre public pour demander plus de discrimination ou renforcer la répression. C’est ce qui s’est passé durant les manifs contre « le mariage pour tous » ou encore lors de rassemblements islamophobes. Ce sont dans ces moments là que les nationalistes français sont le plus virulents envers les corps constitués et jouent aux rebelles.
Cardet et ses « artistes » tentent de trouver un compromis qui soit largement vendeur : appeler à la révolte dans la rue et à l’union contre les juifs.
Pour vendre ce truc sans queue ni tête, il faut un emballage et donc l’image : quelles images de révolte peuvent offrir les mécènes de Soral et Cardet ? Pas bezef, tout ce qu’ils ont produit ces dernières années ce sont des images de gens faisant un geste grossier ou brandissant une sous espèce des broméliacées.
Dans le clip de l’artiste phare de « BDH » on découvre quelques images des bonnets rouges, le défilé de la Gaza Firm à Barbès et pour la quasi totalité des illustrations de révolte et de défi à l’autorité de l’État on a des images de la gauche radicale en action.
L’usurpation la plus totale. Quand on n’a pas de légitimité, il faut s’en créer une en récupérant ce que font les autres. Alors que Cardet et ses chanteurs expliquent à longueur de temps que les antifas et les gauchistes seraient des sionistes et des suppôts du pouvoir, ils sont contraints pour étayer visuellement leurs élucubrations de combattant et se donner un crédit de révolutionnaires de reprendre les actions menées dans la rue par ceux qu’ils dénigrent. Le pompon c’est quand ils mettent des visuels rappelant le 17 octobre 1961 alors que Soral et la mouvance nationaliste sont clairement les héritiers de l’OAS (dédicace à Roger Holleindre oblige).
La charge rue de la Roquette contre la LDJ par exemple, ou encore les multiples confrontations entre gauche radicale et forces de l’ordre suite à la répression des mouvements zadistes. C’est des images de gauchiste tout ça.
Pour faire clair, la street credibility dans les clips de « Cardet Entertainement » c’est majoritairement des images d’action de l’extrême gauche. Ça en dit long sur la crédibilité des acteurs de BDH.
Aujourd’hui tout l’enjeu pour BDH est de se démarquer de Soral, parce que se revendiquer proche d’un type qui explique que « les femmes noires sont généralement des putes », c’est moyen pour écouler du rap et du street wear.
Du coup, une petite remontrance du patron concernant un clip qui montre beaucoup d’images de contestations gauchistes ça permet de faire croire qu’on est enfin un indépendant, un vrai.
Mathias connaît bien le vice du rap game et des fausses embrouilles pour faire vendre. On peut supposer que l’embrouille de façade avec son maître Soral c’est pour entretenir le buzz. Un truc factice comme l’expliquait Cardet lorsqu’il évoquait les querelles entre poids lourds de l’industrie du disque. C’était l’an dernier quand il expliquait qu’après avoir été une légende des tribunes, il tenait dans sa pogne les cadors du rap français.
Cette hypothèse pourrait être interprétée comme de la malveillance s’il n’y avait pas des faits pour l’étayer. Soral et Cardet forment une équipe qui roule pour le même projet. Il suffit de les écouter et de les lire pour le comprendre.
Les hommes de main de Soral comme celui-ci, sont aussi des proches de Cardet.
On les voit ensemble au tribunal lors du procès entre Soral et Frédéric Haziza. « Kano E. » est selon les dédicaces de Cardet son « gars sûr » et sa caution dans le monde des tribunes. Il partage une conception du monde commune à celle de Soral et Cardet :
Ces informations ne sont pas données par la DCRI ou la NSA, ce sont des publications sur Facebook faites par Kano E. sur un compte visible de tout le monde.
Un gars sérieux, donc, qui se donne à voir sur FB.
Avec des mots comme « youpin », on n’est pas dans l’antisionisme, on est dans autre chose. Cette autre chose c’est ce que ces mecs qui jouent les bonhommes sur le Net n’assument pas ouvertement mais qui transpire dans chacun de leur discours : la haine irrationnelles des juifs. L’antisémitisme c’est le trait d’union de la « dissidence », c’est ce qui leur permet de faire toutes les contorsions et de faire croire une union possible entre oppresseurs et opprimés parce qu’il y aurait un marionnettiste dans l’ombre organisant les tensions. Selon eux, ce marionnettiste est fatalement un rabbin malveillant.
On mesure à quel point cette clique est utile aux soutiens de l’État d’Israël car leur action permet de disqualifier le travail militant de soutien à la lutte du peuple palestinien fait quotidiennement par des gens dont la ligne politique est elle réellement antisioniste.
Pour Cardet, Soral et leurs alliés, c’est toujours de la faute des juifs s’il y a un problème. C’est assez confortable comme conception du monde. Cela permet de faire croire que le flic qui blesse, mutile, ou tue a reçu ses ordres depuis Tel Aviv et qu’il commet cet acte à regret.
Cardet et Soral et leurs associés vendent un ersatz de pensée Subutex (c) afin d’endormir les quartiers face aux vagues de répression que nous subissons. Cela permet aussi de faire croire qu’à l’extrême droite il existe une pensée alternative à celle de Zemmour et de la ligne majoritaire du FN depuis la fin des années 70, qui prétend que s’il y a un problème il est dû à l’immigration et aux classes populaires.
Cardet et ses associés se font passer pour des révoltés, mais ils sont incapables de fournir une modalité d’action valide et durable sur le terrain. Ils sont juste les larbins de l’extrême droite. Leur seule action consiste à stimuler la haine des juifs et à faire passer la pulsion consumériste pour un acte militant. Ils ne sont que des simulacres de rebelles 2.0 : virtuels, cupides et mythomanes.
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