Séance du dimanche. Catastroika

15 Fév

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“Catastroika” est un terme qui avait été inventé pour décrire l’état lamentable de l’économie russe au moment des réformes de Gorbatchev, à la veille de la chute du modèle soviétique vermoulu. Le capitalisme sauvage qui a ensuite dévasté la Russie de Eltsine, avec les conséquences sociales que l’on connaît, en a modifié le sens, et a surtout contribué à en faire un nom commun : il ne s’agit plus de pointer un pays –la Russie– et une situation –la transition du capitalisme d’État au capitalisme tout court. « Catastroika » décrit désormais un phénomène consciemment élaboré de casse sociale systématique, de ruine organisée des services publics, sur fond de privatisation tous azimuts, avec pour conséquence un appauvrissement général des populations et un enrichissement exponentiel des architectes transnationaux de ce processus et de leurs relais locaux. Ce phénomène qui n’a rien de naturel est celui qui a ravagé la Grande Bretagne sous Thatcher dès 1979 et qui a été généralisé en particulier en Amérique Latine à partir des années 1980-90 grâce aux dictatures militaires comme celle de Pinochet au Chili ou de Videla et consorts en Argentine, pour mettre en place les structures néolibérales qui ont présidé aux politiques des gouvernements démocratiques suivants, sous la tutelle entre autres du FMI et de la Banque Mondiale.

Ce documentaire d’Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi, sorti en 2012, revenait sur l’expérience des pays victimes de cette attaque et anticipait sur les conséquences que ne manqueraient pas d’avoir pour leur pays –la Grèce– la saignée de privatisation imposée par les pouvoirs financiers et leurs relais politiques, en Grèce et en Europe. On peut y retrouver des analyses de Slavoj Zizek, Naomi Klein, Luis Sepulveda, Ken Loach et Greg Palast qui tirent le bilan des politiques d’austérité déjà imposées à d’autres pays qu’ils ont eu l’occasion d’analyser, au Royaume Uni, en Europe de l’Est ou en Amérique Latine, en insistant sur les résultats que le discours d’autorité sur la dette ou sur la naturalisation de « la crise » ont toujours : l’augmentation du chômage, la baisse de qualité et l’augmentation du prix des services bradés aux intérêts privés.

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Il est intéressant de revoir ce film, presque trois ans après sa sortie –gratuite– sur internet, et au moment ou une coalition de gauche vient de renverser démocratiquement les exécutants grecs de la casse sociale exigée par les bureaucrates capitalistes de Bruxelles, Berlin, New York ou Paris. Sans préjuger de ce que va pouvoir faire le gouvernement de Syriza, il faut observer le contrepied choisi par ce mouvement par rapport aux diktats présentés comme inévitables (le TINA, il-n’y-a-pas-d’alternative) des prêtres de la Crise, toujours prêts à demander aux classes populaires de faire l’effort douloureux que suppose la réparation des orgies financières passées de gouvernants et bureaucrates capitalistes. Une des grandes qualités de ce film est de ne pas s’en tenir à la description des seules conséquences de cette offensive idéologique, mais d’en montrer les fondements, dans les politiques monétaires, mais également dans le travail de l’opinion par une presse dominante complètement acquise à un processus présenté comme inexorable, et contre lequel il est fortement recommandé de ne pas résister. La campagne médiatique de peur organisée en ce moment contre Syriza en Grèce et contre son équivalent, le mouvement Podemos en Espagne, donne la mesure des intérêts en jeu pour le grands groupes de presse : ils ont beaucoup à perdre, si les peuples reprennent leur destin en main.

En prime (mais sans dividendes), le premier film des mêmes réalisateurs sur le sujet, intitulé « Debtocratie-La gouvernance par la dette »

Une Réponse vers “Séance du dimanche. Catastroika”

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  1. Séance du dimanche. Debtocracy | quartierslibres - 19 juillet 2015

    […] et avec les intérêts. Debtocracy, sorti en 2011, est le premier documentaire des réalisateurs de Catastroika, Katerina Kitidi, Aris Chatzistefanou. Il analyse la crise dans laquelle la dette a plongé la […]

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