Beaucoup de militants issus des quartiers populaires ont été influencés directement ou indirectement par les animateurs d’un réseau qui a fini par se regrouper sous le sigle du MIB (Mouvement de l’Immigration et des Banlieues).
La relaxe des policiers impliqués dans la mort de Zyed Benna et Bouna Traore est l’occasion de rappeler la contribution de ces militants à la mise en place d’expériences, de méthodes et de stratégies : d’une ligne politique, en somme.
Le célèbre « Pas de Justice, Pas de Paix » a été popularisé, en France, par le MIB. Ce slogan est né aux USA lors des mobilisations contre la Police suite au passage à tabac de Rodney King par des policiers de Los Angeles, en 1991. « Pas de Justice, Pas de Paix » fait désormais parti du paysage politique français, sans que beaucoup sachent qu’il vient des quartiers.
La mouvance du MIB a été le fer de lance de combats politiques parmi les plus durs en France. : lutte contre la double peine, contre les crimes racistes et sécuritaires, contre les violences policières, contre le racisme, soutien à la Palestine, ou encore solidarité avec les sans-papiers.
Ces combats, jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction, ont été couronnés de victoires politiques. Elles nous sont invisibles parce qu’admises et reprises par tout le monde. Elles se sont intégrées au panorama et au vocabulaire politique comme des évidences, au gré du temps et des occasions.
Le combat contre la double peine (prison + expulsion ), qui n’intéressait pas grand monde, a par exemple mis en lumière le traitement judiciaire différencié des étrangers, l’expulsion venant s’ajouter pour eux à l’incarcération.
Les luttes contre les violences policières ont également constitué des victoires politiques même si elles se sont soldées par des défaites judiciaires : elles ont permis de remettre en cause les méthodes policières dans les quartiers, d’impliquer des populations dans les mobilisations, d’obtenir la vérité sur les circonstances de la mort des victimes face aux versions officielles…
La campagne du droit au retour des réfugiés palestiniens a quant à elle marqué par l’importance de la mobilisation qu’elle a suscitée et par la mise en avant de la question des réfugiés palestiniens.
Le nom « sans-papiers » est aussi une victoire sémantique et politique : l’utiliser c’est énoncer clairement que les travailleuses et les travailleurs sans papiers ont un statut administratif particulier qui les prive de droits. C’est admettre qu’il n’existe pas de « clandestins », mais seulement des personnes qui vivent une situation d’extrême précarité, exactement comme les personnes qui subissent la double peine.
Le MIB a par ailleurs été l’un des plus fervents défenseurs d’un antiracisme politique face à un antiracisme moral, porté par la gauche de gouvernement dans une optique électoraliste, celui-là même qui triomphe tragiquement à l’heure actuel.
« Assez de l’antiracisme folklorique et bon enfant dans l’euphorie des jours de fête »
Autre exemple, L’Écho des Cités, le journal du MIB, titre en août 2003 « Gestion coloniale de la planète et gestion coloniale des quartiers », reprenant le concept de Fanon avant tout le monde et plus de dix ans avant que beaucoup n’utilisent ce concept comme une évidence.
Les slogans et les analyses ne tombent pas du ciel. Une meilleure connaissance de l’histoire de nos luttes et de nos résistances permet de s’extraire d’un présent permanent, et de replacer les luttes actuelles dans une histoire plus longue et surtout porteuse de perspectives.
La situation sociale empire, les violences racistes (islamophobes, notamment) et sécuritaires sont en augmentation. Les luttes du MIB, ses erreurs et ses succès, en somme, son expérience, sont à redécouvrir d’urgence.
Il en est de même de toutes les expériences militantes de terrain de celles et ceux qui nous ont précédé et dont nous sommes appelés à prendre le relai.
Parce que nous sommes condamnés à lutter et à gagner, le combat continue.
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