Suite et fin de la légende Biggie et Tupac, figures incontournables et maudites du Rap US des années 90. On reprend à l’entrée de 2PAC en prison, pour une sombre affaire de mœurs. Le jury n’a pas retenu l’accusation de viol, mais il est quand même incarcéré. Quelques jours auparavant, il a failli mourir dans une embuscade dont il tiendra toujours responsable l’équipe de Biggie, qui fut pourtant son pote à leurs débuts. Au placard, il entend des rumeurs et reçoit des courriers qui alimentent sa paranoïa. Issu d’une famille de Panthères, il aurait dû se rappeler comment s’y était pris le pouvoir pour abattre le mouvement, répandant des bruits de trahison sur chaque côtes pour que s’entre-tuent les leaders. Il lit, beaucoup, ne parvient plus à écrire une ligne, son imagination elle-même est emprisonnée. Et puis il signe un pacte avec le diable. Suge Knight, patron sulfureux du premier label de rap réellement tenu par des gangsters, Death Raw (« Couloir de la mort »), lui propose de payer sa caution en échange de trois albums. Lire la suite →
Un documentaire de Martin Monge, sorti en 2006 sur Charlie Bauer, parti poursuivre son œuvre d’insoumission et de révolte dans un autre monde en août 2011. Charlie n’a évidemment rien à voir avec Alain Bauer, le dealer de sécurité bien connu, élevé au grain rocardien –la deuxième droite– comme Valls lui-même. Charlie Bauer, c’est précisément l’inverse de la trahison à répétition des partis de gouvernement. Fils de résistants juifs communistes de l’Estaque, à Marseille, en rupture totale avec le PCF qui votait les crédits militaires pour la Guerre d’Algérie, il aura été de tous les combats. Anticolonialiste, il soutient activement le FLN. Antifasciste il collabore un temps avec Pierre Goldman. Insoumis et réfractaire il pousse l’illégalisme jusqu’à mener une série d’actions avec Jacques Mesrine, dont il infléchit le discours dans un sens plus nettement révolutionnaire. Braquages, « reprise individuelle », redistribution sauvage au quartier. 25 ans de tôle, dont 9 à l’isolement, c’est autant d’années consacrée à l’analyse du rôle social des prisons -la préservation les intérêts de classe de ceux qui dirigent l’État et la répression pure de l’individu-, et une lutte acharnée contre les QHS et l’impunité des tortionnaires de l’enfermement. C’est aussi l’occasion (forcée) pour lui de déposer la quincaillerie et faire une pause dans la guerre sociale ouverte pour affûter des armes théoriques destinées à réarmer les classes populaires. Une licence en socio et une thèse en anthropologie sociale plus tard, et enfin sorti de zonzon, il n’a jamais renoncé : le meilleur du communisme libertaire, dégagé de tout carcan bureaucratique. À lire, parmi ses bouquins, Fragments d’une vie, une autobiographie à la nitroglycérine, et Le redresseur de clous, qui témoigne qu’il n’a jamais cessé de tenir la ligne.
Pour finir cette sélection de Black Mirror, on raconte l’histoire croisée de deux monstres sacrés du rap US des années 1990. Deux gamins que tout oppose, mais qui ont commencé par être potes et partager des scènes avant d’incarner la guerre fratricide qui a opposé les côtes Est et Ouest et s’est achevée dans un bain de sang. Les deux ont été assassinés à six mois d’écart, en 1996 et 1997, sans que personne ne soit jamais inculpé pour ces meurtres.
Deux potos qui freestylent autour d’une table, avant de se déchirer pour des intérêts qui ne sont pas les leurs
Depuis, les spéculations et autres théories du complot vont bon train : règlements de compte entre les patrons de leurs labels respectifs Bad Boy et Death Row ? Dommage collatéral de la guerre des gangs qui oppose les Bloods et les Crips ? Manipulation de Suge Knight, terrifiant patron de Death Row, pour se débarrasser de son poulain Tupac qui voulait le quitter et réclamait les millions qu’il lui devait ? Complot du F.B.I pour affaiblir un mouvement Hip-hop en plein essor, perçu comme un danger par le pouvoir ? Mystification (Tupac, en réalité, serait planqué à Cuba avec sa tante Assata, Black Panther réfugiée) ? On ne répondra pas à ces questions. Mais on tâchera de retracer le parcours fulgurant et foudroyé de ces immenses rappeurs, dont la musique et la légende ont marqué durablement le mouvement, et ont résumé à eux-seuls le pire et le meilleur de ce que peut nous offrir le rap.
Première partie aujourd’hui : les origines, les premières années, la filiation, les collaborations, l’explosion. Où l’on voit Tupac grandir dans un environnement ultra-politisé, entouré d’anciennes Panthères, élevé par une mère seule qui se noie dans son addiction à la drogue, triste sort de nombre de militants et militantes du Black Power décimé par le pouvoir. Il se passionne pour le théâtre, la littérature, puis le rap, et son charisme légendaire lui fait vite rencontrer le succès, d’abord avec Digital Underground, puis en solo. Sa musique est alors engagée socialement, ancrée dans la réalité des rues californiennes, féministe même parfois.
Les débuts de Tupac en solo, la conscience encore bien aiguisée
Il rencontre Biggie en 1993, un gamin obèse surprotégé par une autre mère célibataire, qui après avoir fait un peu de placard pour deal se consacre entièrement au rap et devient vite une star de son coin de rue.
Les débuts de Biggie, au coin du block
Tupac lui offre ses premières scènes, une amitié forte les lie. Mais Tupac tombe dans un guet apens alors qu’il allait enregistrer dans le même studio que Biggie et son boss Puffy Combs, bolosse aux dents longues. Il prend 5 balles, manque d’y passer, et accuse immédiatement l’équipe de son ancien pote. Deux jours plus tard, il passe en procès et est incarcéré pour une sombre histoire de mœurs, qu’il dénoncera toujours comme un coup monté pour l’abattre une deuxième fois. Les destins étaient scellés. Tout était prêt pour la sinistre mascarade des années suivantes, une guerre Est/Ouest qui fit vendre du papier, enrichit les labels, et coûta la vie à de nombreux frères Noirs.
En partant du sample, élément de base du hip hop, Black Mirror essaye de remonter le cours de l’histoire, de retourner aux racines d’une musique qui a commencé par regarder vers son passé pour aller de l’avant. Et cette histoire est avant tout une histoire sociale, celle du peuple Noir aux USA, déporté d’Afrique, réduit à l’esclavage pendant des siècles, puis soumis à la ségrégation, aux lois Jim Crow, au lynchage. De la plantation au ghetto, de l’esclavage légal à l’esclavage salarié. C’est aussi l’histoire d’un soulèvement, des révoltes d’esclaves aux émeutes de Watts, des églises noires au Black Panther Party, du blues aux block-parties.
Chaque semaine, un épisode thématique de deux heures : les work songs, les spirituals, Stagger Lee, Watts 1965, Los Angeles 1992, le rap indépendant, les femcees, Lino… On y écoute beaucoup de musique, on y apprend deux ou trois trucs, on y partage l’amour de cette culture. Black Mirror, c’est aussi un blog avec plein d’infos, des vidéos, et où on retrouve toutes les émissions en podcast ainsi que les playlists téléchargeables :www.blackmir.blogspot.com
Le livre de Handala : Les dessins de résistance de Naji al-Ali
Une autre histoire de Palestine
Présentation de l’éditeur : LE 29 Aout 1987, en plein Londres, la balle d’un tueur fit de NAJI AL-ALI un des premiers caricaturistes assassinés pour leurs dessins. L’histoire de ce dessinateur palestinien, né en Galilée en 1936, est d’abord celle d’une enfance volée et du destin tragique de ces innombrables familles de réfugiés entassées à la hâte dans les camps de l’Unwra créés spécialement en 1949, suite à la Grande catastrophe nationale, la Nakba. Pour NAJI, ce fut le camp de Aïn al-Hilwe, au Sud-Liban, qui marqua un parcours sinueux et mouvementé dès le départ : celui d’une prise de conscience et de l’engagement politique face à un envahisseur aussi illégitime que soutenu par la mauvaise conscience des puissances coloniales du moment, mandatées pour se partager des territoires administrés auparavant par l’empire ottoman. Durant tout son parcours, NAJI AL-ALI n’abandonnera jamais l’idée d’un État palestinien libre et indépendant dont le socle fondateur avait été anéanti lors d’une répression féroce en 1939, privant pour longtemps les Palestiniens de leurs élites et cadres dirigeants. La résistance palestinienne s’organisa à partir des années 50-60 : l’œuvre de NAJI prit son envol, avec la création en 1969 de son alter ego, le petit HANDALA, observateur imperturbable de la réalité tragique d’un peuple humilié et dépouillé de tout, sauf de sa fierté.Lire la suite →
Entre 1968 et 1974, James Brown creuse inlassablement le sillon d’une musique rugueuse, sexuelle, sans concession. Ce sont ses dernières grandes années. Il se fera ensuite déborder, puis submerger par la version froide et édulcorée d’une Funk qu’il avait défendue corps et âme : le Disco prend le pouvoir, avec ses batteries synthétiques et son groove robotisé, et accompagne la défaite des luttes de libération.
James se perd, à tous niveaux. Il essaye désespérément de s’accrocher à son trône, mais ses fautes politiques lui font perdre le soutien du peuple des ghettos. La rupture est consommée définitivement quand il se rallie à Nixon, ennemi déclaré des pauvres et des Panthers. On manifeste même devant ses concerts, aux cris de « James Brown, Sold brother number one » (« le frère vendu n°1 »). Le tyran est de plus en plus isolé, il enchaîne les deuils, ses choristes et ses musiciens l’abandonnent. Même Bobby Bird, qui lui était toujours resté fidèle, finit par le quitter. Brown, rattrapé par ses démons, va Lire la suite →
Après le live historique à l’Apollo Theater d’Harlem commencent pour James Brown les années fastes de sa carrière. Celles qui le voient révolutionner la soul avec ses musiciens aux ordres, contraints de donner le meilleur d’eux-même jusqu’à l’épuisement. Ensemble, ils imposent une nouvelle vision de la musique, plus rude (la « raw soul »), plus urbaine, plus dépouillée. Peu à peu, les mélodies s’estompent, tous les instruments se plient au groove ultime, squelettique, enragé, incendiaire, à l’image des ghettos qui s’embrasent.
La musique de James Brown sera la bande son des émeutes qui secouent les USA tous les étés de 1965 à 1969. Lui qui s’était tenu jusque là à l’écart de la politique va tenter de profiter de sa notoriété nouvelle pour s’improviser porte-parole de la rue, s’engouffrant dans des erreurs cuisantes, errant d’incohérences en contradictions. Admirateur de Luther King, hostile à la violence, lançant des appels au calme à la demande des autorités, serrant la patte du vice président, jouant pour les troupes au Vietnam, sortant le single patriote « America is my home » quelques mois après l’assassinat du révérend, on a souvent du mal à le suivre. En fait, James Brown a toujours défendu une forme de Black Power économique, il prônait un « capitalisme Noir », persuadé que l’éducation et le travail pouvaient à eux-seuls triompher du racisme structurel de l’État.Lire la suite →
La question de l’immigration en France ainsi que celle des migrations internationales prennent une importance grandissante dans les débats en Europe.
Tout le monde a son avis sur le sujet. Des analyses émanant de micro trottoir aux émissions TV animées par des « experts », en passant par les états-majors politiques : un flot ininterrompu de considérations se déverse sur cette question. Sur les réseaux sociaux c’est une version exponentielle et brouillonne de ce débat, indicateur du buzz et de la confusion que provoque l’arrivée des migrants.
Ces questions sont hautement polémiques et politiques, les termes dans lesquelles elles sont abordées par les acteurs politiques quels qu’ils soient sont plus des marqueurs de leurs lignes idéologiques que de la réalité migratoire.
On assiste à un affrontement de représentations sur les migrations en général, et sur l’immigration en France, qui n’a pas très souvent de rapport avec la réalité.
Une des premières victimes de cet affrontement est la réalité statistique que représentent « sans-papiers », « migrants » et « étrangers », et cela sans jamais en définir les termes. Les discussions se résument à des positions de principe dans lesquelles les populations dont on évoque le sort sont une abstraction.
Ces termes ne sont pourtant pas mystiques et ne devraient pas changer au gré des interlocuteurs. Ils sont d’ordre juridique ou administratif. Ils désignent des populations différentes.
En France, on confond étranger et immigré pourtant une partie des étrangers ne sont pas des immigrés et à l’inverse une partie des immigrés sont des Français.
La majorité des personnes qui fuient en raison de conflits, persécutions sont des déplacés internes et non des réfugiés.
On peut multiplier les exemples de ces réalités migratoires qui sont en décalage total avec bon nombre de représentations sur les migrations en France, qu’elles émanent de xénophobes ou de militants antiracistes.
Il est utile de rappeler certaines définitions, notamment celle d’étranger et d’immigré.
Un étranger, du point de vue du droit français, est une personne n’ayant pas la nationalité française.
Un immigré, est une personne née étranger à l’étranger et qui réside en France, les français nés à l’étranger sont donc exclus de la définition d’un immigré. Un immigré peut donc acquérir la nationalité française.
On constate au passage que le slogan « français/immigrés, même patron même combat, égalité des droits » est en partie à côté de la plaque.
Les discussions utilisent couramment les deux termes, comme s’il s’agissait de la même réalité juridique,statistique ou démographique.
Une partie des étrangers ne sont pas des immigrés et une partie des immigrés ne sont plus des étrangers.
Black Mirror 17 : James Brown #1 « Georgia On My Mind »
Du Sud ségrégué aux lumières de Harlem
C’est l’histoire d’un gamin Noir né en 1933 dans une cabane en bois en Géorgie, l’un des Etats les plus ségrégués des Etats-Unis. Elevé par une tante maquerelle dans un bordel pour soldats, il danse dans la rue pour rameuter le client, cire des pompes, vole un peu pour s’habiller et survivre. A 16 piges, il est condamné pour un larcin ridicule à une peine équivalente à sa courte vie. C’était mal barré. Son existence risquait de ressembler à celle de tant de ses frères de l’époque. Il ne l’oublierait jamais.
Quelques années plus tard, il révolutionne la musique populaire avec ses musiciens en la désossant, en la débarrassant peu à peu de tout ce qui n’est pas rythme. Chaque instrument allait devenir la peau d’un tambour, comme pour invoquer les rythmes interdits par les maîtres. Il se fait, corps et âme, le serviteur du groove. Son chant, ses cris, sa danse, sont des ordres hurlés à un orchestre-régiment. Tyrannique, mégalomane, son perfectionnisme frise la folie et le coupe peu à peu des autres, y compris de ses amis les plus proches.
Dans cet épisode, on s’attache à ses premières années, celles d’avant le virage « Out of Sight », pierre de rosette du funk à venir, qui donnera naissance au Hip-Hop quelques temps après : ses influences majeures, les disques qui passaient sur le gramophone du bouge où il a grandi, les héros dont il voulait prendre la place, au sommet. Ses premiers pas dans la musique ensuite, d’abord comme batteur, puis comme imitateur campagnard des plus grands du R’n’B triomphant. Enfin le décollage, les premiers succès, pour déboucher sur un des monuments de la musique populaire, le dantesque « Live at the Apollo » enregistré en 1962 en plein cœur de Harlem, ville symbole de la fierté Noire retrouvée. Lire la suite →