
Barbès Blues au temps du couvre-feu / épisode précédent
Si Lbachir vermillonna de nouveau dans ses papiers et en tira une liasse de lettres enroulées et nouées dans un ruban de soie rouge. Il les délia et elles se déroulèrent dans ses mains ouvertes comme les couvertures d’un livre. Il les posa délicatement sur la table, les feuilleta et en tira une qu’il lut à la lueur d’une bougie. Mais, au lieu d’entamer sa lecture, avec la joie et l’entrain du conteur qui commence une histoire, il précisa : « Leur opération a consisté à envoyer une colonne armée de canons pour traverser la Kabylie des Babors de Sétif à Bougie. Il y avait aussi le Génie qui devait s’occuper de tracer une route et y construire, de loin en loin, des forts pour y tenir garnison. C’est pour cela qu’on l’appellera la route des caravansérails. La colonne était commandée par un certain général de Barral. Il avait quitté Sétif le 10 mai 1850. Ecoute ce qu’il écrit quatre jours plus tard : « Je suis parti le 10 comme j’ai eu l’honneur de vous l’annoncer, et je suis arrivé chez les Beni Ourtilan sans avoir eu un seul coup de fusils. J’espère être encore trois jours dans un pays où le passage de ma colonne en imposera assez aux arabes pour que les contributions et les amendes rentrent sans opposition. ». Comme tu peux entendre, ça commence fort. Il précise même la difficulté la plus importante de son périple. Mais, si le passage chez les At Ourtilan fut une promenade de santé, pour la suite, il n’a pas oublié l’essentiel, il écrit même avec une certaine appréhension : « Il n’en sera pas de même chez les Beni Yemmel au-dessus desquels je bivouaquerai et où je séjournerai jusqu’à ce que j’ai réglé toutes leurs affaires arriérées. ». C’était la difficulté de sa mission car les At Yemmel étaient en pleine rébellion contre l’armée et l’administration, la division n’ayant pas encore touché cette tribu insoumise. Ecoute maintenant les précisions que donne un autre ponte de l’armée : « Monsieur le général de Barral, parti de Sétif le 10 mai, était arrivé le 13 chez les Beni Ourtilan et avait reçu sur la route les impôts des quaïdat des Beni Yala et des Beni Chebana. La tribu des Beni Yala avait seule montré un peu d’hésitation à la suite de deux réunions préparées à Djema Ballouth et au village Dra, par quelques intrigants, qui avaient essayé de les persuader que les affaires de la frontière de Tunis allaient nous faire rétrograder immédiatement pour nous rendre dans l’est. Trois jours passés par la colonne expéditionnaire chez les Beni Ourtilan, ayant fait comprendre aux Beni Yala que rien ne nous détournait de notre opération de la Kabylie, ils sont venus acquitter leurs contributions et les individus qui les avaient poussés à la résistance ont pu être arrêtés. Les deux parties entre lesquelles se partagent les Beni Ourtilan ont été réconciliés après une guerre qui durait depuis deux ans… ». Lire la suite →