Archive | février, 2019

Barbès Blues au temps du couvre-feu (110) / Farid Taalba

27 Fév

 

Barbès Blues au temps du couvre-feu / épisode précédent

 

« Oh, se gaussa Hassan en effaçant de sa voix toute note de défiance, là où le maître ne peut rien pour nous, on peut toujours prendre le temps de mariner dans son jus ! ». Et, sans la recette diplomatique que son collègue avait appliquée par autodérision plus que pour chatouiller les nerfs de l’un d’entre eux, Madjid ajouta fissa son grain de sel de la voix du chef sous les pas desquels se dérobe le carrelage de sa cuisine : « Tu parles, un jus de sueur, oui ! ». Puis, après avoir donné l’air de se résigner, les yeux dans ses mains ouvertes, comme s’il ne voulait parler qu’à lui-même pour ne pas avoir à offenser quiconque, il marmonna entre ses dents serrées : « Et on va rester comme ça sur le grill jusqu’à quelle heure ? Lire la suite

Barbès Blues au temps du couvre-feu (109) / Farid Taalba

14 Fév

Barbès Blues au temps du couvre-feu / épisode précédent

 

Au bout de l’avenue de la Gare, à la gauche de Bou Taxi qui en frémissait des baccantes, une rangée de blindés interdisait l’accès côté mer de la Mairie. Mais, devant cette ligne qu’on avait chargée de cafarder le lieu de pouvoir le plus important, et comme sur la droite se trouvait aussi l’entrée du port par l’avenue Spinetti dans laquelle il devait s’engager, d’autres blindés faisaient face à cette première ligne pour, quant à eux, chaperonner le lieu d’affaire le plus couru de la ville. Ainsi ordonné, le dispositif de sécurité était encore plus impressionnant ; toujours persistante, la lumière accentuait l’effet de présence massive par ses réverbérations multiples qui s’affichaient comme autant de mises en garde sur les carapaces d’acier des engins prêts à réagir au moindre mouvement suspect derrière leur calme apparent. Ajouté à ce clinquant orchestre qui savait mettre les danses les plus chaudes, le charivari des affrontements n’en finissait pas d’alimenter la valse de toutes les craintes de faux pas qui pouvaient être fatals ! Malgré tout, piano-piano, Hassan attaqua le refrain de la chanson qui lui tournait dans le disque depuis qu’elle avait surgi d’une chambre du dernier étage d’un immeuble, ilot d’insouciance au milieu de la tourmente, oasis perdue au cœur des braises :

Maybellene, why can’t you be true… Lire la suite