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Black Mirror Selekta #14 : Tribute To Ken Boothe !

5 Fév

Black Mirror, l’émission hip-hop nous livre une dernière double selekta mémorable avant de revenir plus tard nous nourrir de zik et nous rappeler qu’elle fait partie de notre histoire : double selekta cette semaine, hommage au soulman jamaïcain Ken Boothe !  Bijoux originaux, Soulful Songs, Samples, Covers & Versions, ou comment la musique survit au temps qui passe, se transforme, et nous avec. Bonne écoute !

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Cette semaine, on rend hommage en musique à la plus grande voix de la soul jamaïcaine, qui a su traverser les temps sans que rien n’en érode la pureté, la délicatesse, la classe.

Né dans le ghetto de Denham Town à Kingston à la fin des années 1940 d’une maman qui chante à l’église, il gagne un concours de chant dès l’âge de 9 ans, poussé par sa sœur elle-même chanteuse, et n’a depuis jamais cessé d’enregistrer et de se produire, s’appropriant sans forcer les styles qui se sont succédé dans l’île. C’est donc naturellement comme chanteur de ska qu’il débute, avec rien de moins que les immenses Skatalites en backband. D’abord chez Duke Reid qui l’a repéré, puis passant à la concurrence, chez Studio One, quand le rocksteady s’impose pendant l’été torride de 1966 : les danseurs ne tiennent pas la cadence, il faut ralentir le rythme. La basse est mise en avant, les cuivres s’éloignent, on laisse de l’espace aux voix. Le R’n’B des proches U.S.A sert d’inépuisable source aux tunes qu’on joue dans les sound systems, ces bals de quartier qui préfigurent déjà les futures blockparties new-yorkaises.
C’est l’avènement de ce style soulful qui va offrir à Ken Boothe ses plus belles heures, faisant de lui le « Mr. Rocksteady », du nom de son album sorti en 1968 alors qu’il a à peine 20 ans. Il multiplie les reprises de standards soul et pop américains, leur insufflant le groove propre à Kingston tout en gardant sa signature vocale qui est bien celle d’un grand chanteur de R’n’B, lui qui ne jure que par les Temptations, Mahalia Jackson, Otis Redding et Wilson Pickett, auquel il est régulièrement comparé. Au début des années 1970, son succès dépasse les rivages de sa désormais trop petite île ; en 1974 il signe un tube énorme avec « Everything I Own », reprise d’un morceau de pop rock américain de David Gates qui l’avait dédié à la disparition de son daron, mais dont Ken Boothe fait une irrésistible chanson d’amour qui cartonne en Angleterre. Le reste appartient à l’histoire.
La voix de Ken Boothe est une des plus belles choses qu’il soit donné d’entendre. Elle vous caresse autant qu’elle vous transperce. Ses reprises tutoient bien souvent les originaux, même les plus grands, quand elles ne les transcendent pas tout simplement. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter ses versions de « Is It Because I’m Black », « Let’s Get It On » ou « Ain’t No Sunshine ». Ken Boothe n’est pas seulement l’un des plus grands chanteurs jamaicains. Il est l’un des plus grands soulmen de tous les temps. Period. Et ce n’est pas son album « Inna Di Yard » qui viendra nous contredire : à 70 piges, accompagné avec élégance par ce jamaican social club sur les collines qui surplombent sa ville natale, il y livre des versions acoustiques et toujours aussi magiques de ses plus grands tunes. Et c’est bouleversant, juvénile, heureux.
Voici donc les 90 premières minutes de notre tribute, avec comme d’hab’ les originaux de ses reprises, des morceaux qui l’ont samplé ou des versions, et quelques extraits de son dernier joyau.
Long live Ken Boothe.

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Black Mirror Selekta #13 : Tribute To Ann Peebles !

29 Jan

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Black Mirror, l’émission hip-hop nous rappelle, cette semaine encore, que la zik fait partie de notre histoire : la double selekta de cette semaine rend hommage à la deep soul d’Ann Peebles !  Bijoux originaux de Memphis et Samples & Covers, ou comment la musique survit au temps qui passe, se transforme, et nous avec. Bonne écoute !


Cette semaine, on poursuit notre série d’hommages aux grandes voix trop méconnues de la soul sudiste avec Ann Peebles, égérie du fabuleux label Hi Records qui lui doit d’être revenu au premier plan au tournant 70’s, en compagnie de l’autre star de l’écurie, le révérend Al Green.

Comme tant d’autres, c’est très jeune et à l’église qu’elle forgea la ferveur de son expression, la puissance de sa voix, la rigueur de ses placements. Sa famille nombreuse officiait en effet sous la direction du daron, ouvrier la semaine et chef de chœur le dimanche dans leur ville de Saint Louis, Missouri (dont sont aussi originaires Fontella Bass et Tina Turner, pour ne citer qu’elles), et elle intégra la troupe dans les années 50, ses neuf ans à peine sonnés. Le Peebles Choir parcourait aussi les routes, et elle y croisa vite ses futures modèles, Mahalia Jackson et Aretha Franklin en tête.

C’est en entendant à la radio les premiers défroqués qui donnèrent naissance au R’n’B – dont l’immense Sam Cooke, bien-sûr – en détournant la musique de Dieu pour chanter les plaisirs terrestres, qu’elle se décida à se lancer elle aussi dans la musique profane, enchainant les concerts dans les clubs du ghetto. Un soir de 1968, alors qu’elle assiste à un concert du trompettiste et chef d’orchestre Gene Miller, elle a le culot de réclamer sa place sur scène pour interpréter le tune « Steal Away » de Jimmy Hughes. Subjugué par son audace, son magnétisme et son interprétation, le lascar – compositeur, arrangeur, producteur pour de nombreux grands, dont OV Wright, Otis Redding, Bobby Bland… – décide de la présenter aussi sec à Willie Mitchell, patron du label déclinant de Memphis, Hi Records, tourné auparavant sur la folk et le rockabilly, et qui cherche à rajeunir son répertoire. La légende veut qu’elle y enregistre dès le lendemain son premier et brillant album, « This is Ann Peebles ». Et c’est elle qui contribua grandement à redéfinir le son maison : pour sublimer sa voix et celle d’Al Green qui y débarque peu après, le génie de l’arrangeur Mitchell tourne à plein régime et concocte un alliage imparable, tout en tapis de cordes, cuivres secs et rythmiques rugueuses, servi par une équipe de musiciens incroyables : les Hi-Rythm et les Memphis Horns, Al Jackson à la batterie, Charles Hodges à l’orgue.

 

Pendant quelques années, jusqu’à ce que la peste du disco vienne tout gangréner, le son de Memphis, de la deep soul, s’invente et frôle la perfection dans ces studios à quelques rues de la légende Stax, et les premiers disques d’Ann Peebles en sont l’incarnation souvent sublime. C’est là qu’elle enregistre son plus grand tube, « I Can’t Stand The Rain », samplé un nombre incalculable de fois, et qu’elle avait écrit avec son mari, le compositeur maison Don Bryant, un soir de pluie et d’ennui. Hi Records part en lambeau à la fin des 70’s, Al Green se barre, et elle finit par retourner dans sa ville natale de Saint Louis, où elle ne chante plus que du gospel. C’est encore une fois au revival soul des années 1990 qu’elle doit son retour, fait d’albums insipides et d’innombrables tournées.

 

Une première Selekta d’abord, consacrée aux samples et aux reprises. Le son du label, à la fois riche et âpre, a en effet offert une matière inépuisable aux amoureux du grain – RZA en tête, comme souvent. On laisse évidemment une grande place au miraculeux « I Can’t Stand The Rain », dont certaines relectures sont plus que surprenantes, et on enchaîne sur ses plus belles reprises, qui tiennent bien souvent tête voire surpassent les originaux. On complète cette sélection par une deuxième selekta avec nos morceaux préférés d’une de nos chanteuses préférées. Enjoy !

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