Black Mirror, l’émission hip-hop nous livre une dernière double selekta mémorable avant de revenir plus tard nous nourrir de zik et nous rappeler qu’elle fait partie de notre histoire : double selekta cette semaine, hommage au soulman jamaïcain Ken Boothe ! Bijoux originaux, Soulful Songs, Samples, Covers & Versions, ou comment la musique survit au temps qui passe, se transforme, et nous avec. Bonne écoute !
Cette semaine, on rend hommage en musique à la plus grande voix de la soul jamaïcaine, qui a su traverser les temps sans que rien n’en érode la pureté, la délicatesse, la classe.Né dans le ghetto de Denham Town à Kingston à la fin des années 1940 d’une maman qui chante à l’église, il gagne un concours de chant dès l’âge de 9 ans, poussé par sa sœur elle-même chanteuse, et n’a depuis jamais cessé d’enregistrer et de se produire, s’appropriant sans forcer les styles qui se sont succédé dans l’île. C’est donc naturellement comme chanteur de ska qu’il débute, avec rien de moins que les immenses Skatalites en backband. D’abord chez Duke Reid qui l’a repéré, puis passant à la concurrence, chez Studio One, quand le rocksteady s’impose pendant l’été torride de 1966 : les danseurs ne tiennent pas la cadence, il faut ralentir le rythme. La basse est mise en avant, les cuivres s’éloignent, on laisse de l’espace aux voix. Le R’n’B des proches U.S.A sert d’inépuisable source aux tunes qu’on joue dans les sound systems, ces bals de quartier qui préfigurent déjà les futures blockparties new-yorkaises.
C’est l’avènement de ce style soulful qui va offrir à Ken Boothe ses plus belles heures, faisant de lui le « Mr. Rocksteady », du nom de son album sorti en 1968 alors qu’il a à peine 20 ans. Il multiplie les reprises de standards soul et pop américains, leur insufflant le groove propre à Kingston tout en gardant sa signature vocale qui est bien celle d’un grand chanteur de R’n’B, lui qui ne jure que par les Temptations, Mahalia Jackson, Otis Redding et Wilson Pickett, auquel il est régulièrement comparé. Au début des années 1970, son succès dépasse les rivages de sa désormais trop petite île ; en 1974 il signe un tube énorme avec « Everything I Own », reprise d’un morceau de pop rock américain de David Gates qui l’avait dédié à la disparition de son daron, mais dont Ken Boothe fait une irrésistible chanson d’amour qui cartonne en Angleterre. Le reste appartient à l’histoire.La voix de Ken Boothe est une des plus belles choses qu’il soit donné d’entendre. Elle vous caresse autant qu’elle vous transperce. Ses reprises tutoient bien souvent les originaux, même les plus grands, quand elles ne les transcendent pas tout simplement. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter ses versions de « Is It Because I’m Black », « Let’s Get It On » ou « Ain’t No Sunshine ». Ken Boothe n’est pas seulement l’un des plus grands chanteurs jamaicains. Il est l’un des plus grands soulmen de tous les temps. Period. Et ce n’est pas son album « Inna Di Yard » qui viendra nous contredire : à 70 piges, accompagné avec élégance par ce jamaican social club sur les collines qui surplombent sa ville natale, il y livre des versions acoustiques et toujours aussi magiques de ses plus grands tunes. Et c’est bouleversant, juvénile, heureux.Voici donc les 90 premières minutes de notre tribute, avec comme d’hab’ les originaux de ses reprises, des morceaux qui l’ont samplé ou des versions, et quelques extraits de son dernier joyau.Long live Ken Boothe.