La séance du dimanche : Qu’ils reposent en révolte

13 Nov

artoff5243

Qu’ils reposent en révolte : des figures de guerre I

Réalisé par Sylvain George (2010)

 

Synopsis: Composé de fragments qui se renvoient et se télescopent les uns avec les autres, créant ainsi de multiples jeux de temporalité et de spatialité, ce film montre sur une durée de trois ans (2007-2010), les conditions de vie des personnes migrantes à Calais. Et par là-même, des politiques engagées par les Etats policiers modernes, qui débordent le cadre de loi et font surgir des zones grises, des interstices, des espaces d’indistinctions entre l’exception et la règle.
Un découpage conceptuel, un « partage du sensible » se révèle : l’individu, traité comme un criminel, se voit « dénudé », dépouillé, privé des droits les plus basiques qui font de lui un sujet de droit.

Critique d’Alain Carou: « Le film montre les conditions d’existence des clandestins de Calais. Infinie précarité qui est, ni plus ni moins, la condition que l’on a choisi de leur faire, entre arrestations et destructions des campements, écrit . Le rythme très lent du film, le choix du noir et blanc concourent à une impression d’austérité extrême. Si l’on n’est pas rebuté, on entre dans une expérience de cinéma rare, puisqu’il s’agit d’atteindre à l’expérience de personnes qui vivent dans les mêmes lieux que nous et pourtant dans une toute autre réalité. Comment en effet, sinon par un cinéma radicalement différent, sortir des effets de familiarité pour faire entièrement droit à ce que la vie des sans-papiers, dans la précarité absolue qui est la leur, a de radicalement autre ?

Le film contient de nombreux plans admirables de lieux vides aux heures blafardes, avant la police. On y voit, répétée à l’infini sans provoquer de lassitude, un clou rougi sur des braises pour servir à effacer les empreintes digitales sur les doigts. Sylvain George, à l’instar d’un archéologue, est attentif aux traces matérielles minuscules de ces existences : le clou, les éléments de récupération de campements de fortune, les couverts en plastique des repas pris dehors… On ne saurait oublier les panneaux publicitaires reemployés pour construire des abris de fortune, et qui proclament une société de consommation et de bien-être : discours dont Sylvain George tire une ironie cruelle.

On a ici affaire à un cinéma militant qui est aussi un cinéma de poésie (dans la mesure où le réalisme ouvre à force sur une autre dimension, qui n’est plus réaliste au sens conventionnel du terme) : objet presque unique en son genre.»