Black Mirror 12 : « Time To Rocksteady »

19 Août
Bob Marley le Rude Boy

Bob Marley, le Rude Boy.


« Time To Rocksteady »

Les espoirs de l’indépendance jamaïcaine, dont le ska fut la bande son, ont vite été déçus. Le chômage se fait endémique, le nouveau pouvoir en place baigne dans la corruption, la misère ronge le ghetto, et avec elle la violence et la criminalité s’installent durablement. Les rude-boys, petites frappes des bidonvilles, vont peu à peu être instrumentalisés par les partis politiques, qui fonctionnent comme des gangs et règnent par la force sur leurs territoires d’ancrage.

Dans les sound-systems, on se lasse vite du ska. Cette musique trop rapide et joyeuse ne colle plus à la détresse du ghetto ; les vieux ne peuvent pas suivre le rythme pour toute une soirée ; les rude-boys ont tendance à régler leurs comptes dans ces fêtes de rue, et le mélange de rhum, de bière forte et de son tonitruant n’arrange rien à l’affaire. Pour couronner le tout, l’été 1966 bat tous les records de chaleur. Il faut calmer le jeu. Les musiciens de studio, qui fournissent la matière première aux selectors vont inventer une nouvelle formule . On ralentit le tempo. On éloigne les cuivres. La basse prend une place prépondérante, et se fait mélodique. La snare se décale sur le troisième temps. La disparition du R’N’B américain dans les sound-systems a créé une frustration, un besoin de soul music : on libère donc de l’espace dans le son pour y placer des voix, dont beaucoup de trios vocaux, sur le modèle du Doo-wop américain.

Une nouvelle musique était née, qui portera le nom d’une danse pratiquée par une des stars des dancefloors de Kingston, immortalisée par Alton Ellis dans le morceau « Time To Rocksteady » sorti en 1966. Les années qui vont suivre offrent un nombre incalculable d’immenses chansons gorgées de soul, et des voix sublimes se révèlent. Pour beaucoup, c’est l’âge d’or du son jamaïcain, emblématique des rude-boys, celui qui inondera l’Angleterre peu après : dans les quartiers de relégation londoniens se mêlent immigrés jamaïcains et prolétaires blancs. Dans les sound-systems importés, ils vont inventer ensemble la culture Skinhead : le fameux « Spirit of 69 », populaire, festif, antiraciste.

 

L’émission : https://tilidom.com/start_download?token=35DAEBE85


Black Mirror, émission hiphop

En partant du sample, élément de base du hip hop, Black Mirror essaye de remonter le cours de l’histoire, de retourner aux racines d’une musique qui a commencé par regarder vers son passé pour aller de l’avant. Et cette histoire est avant tout une histoire sociale, celle du peuple Noir aux USA, déporté d’Afrique, réduit à l’esclavage pendant des siècles, puis soumis à la ségrégation, aux lois Jim Crow, au lynchage. De la plantation au ghetto, de l’esclavage légal à l’esclavage salarié. C’est aussi l’histoire d’un soulèvement, des révoltes d’esclaves aux émeutes de Watts, des églises noires au Black Panther Party, du blues aux block-parties.

Chaque semaine, un épisode thématique de deux heures : les work songs, les spirituals, Stagger Lee, Watts 1965, Los Angeles 1992, le rap indépendant, les femcees, Lino… On y écoute beaucoup de musique, on y apprend deux ou trois trucs, on y partage l’amour de cette culture. Black Mirror, c’est aussi un blog avec plein d’infos, des vidéos, et où on retrouve toutes les émissions en podcast ainsi que les playlists téléchargeables : www.blackmir.blogspot.com

Black Mirror

 

 

2 Réponses to “Black Mirror 12 : « Time To Rocksteady »”

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  1. Black Mirror 13 : « Sound And Pressure » | quartierslibres - 20 août 2015

    […] complément de l’épisode sur le Rocksteady, la musique attitrée des Rude-Boys, une sélection de morceaux importants. Comment une si petite île a-t-elle pu produire en si peu […]

  2. Black Mirror 14 : Early Reggae, Rude Boys et politricks | quartierslibres - 22 août 2015

    […] apparaît pour la première fois en 1968 dans un morceau des Maytals, comme une réponse au « Rocksteady » d’Alton Ellis deux ans plus tôt. Encore une danse. On entend dans ce « Do The Reggay » ce […]

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