Bleus de chauffe

21 Nov

L’équipe de France s’est qualifiée pour la phase finale de la Coupe du Monde de football qui se déroulera au Brésil en juin prochain. Cette qualification, s’est faite à la surprise générale et sous les critiques et les polémiques.
La défaite 2-0 en Ukraine avait de nouveau délié les langues des racistes qui accusaient les footballeurs de l’équipe de France d’être de mauvais Français.
Quand l’équipe de France gagne ou se qualifie, en règle générale, c’est la fête : « on est tous français ». Quand ils perdent, les joueurs redeviennent autre chose : noirs, arabes, musulmans, icônes du libéralisme triomphant
Le syndrome Yannick Noah, français lors des victoires et camerounais après les défaites, a de beaux jours devant lui.

bleu de chauffe

Mardi soir, alors que tout le monde attendait une sortie par la petite porte de l’équipe de France, on a assisté à un renversement de situation. Les mauvais français ont gagné 3-0 face à l’équipe nationale d’Ukraine. Improbable statistiquement, mais possible.
Sur le papier c’était jouable, sportivement c’est explicable par la qualité des joueurs alignés sur le terrain.
Mais pour certains politiques c’est juste impossible à admettre. On trouve ainsi dans les rangs de l’UMP un certain Lionnel Luca, libéral conservateur, adepte de l’idée d’un match truqué pour acheter une paix sociale et des intérêts économiques. Lionnel Luca a raté sa carrière de comique triste.
Question : comment pourrait-il y avoir une paix sociale désormais, puisque même la réussite sociale, économique ou sportive ne protège aucunement du racisme ? Harry Roselmack, bien informé parce que travaillant à la rédaction de TF1, a mis du temps à se rendre compte que le fric ne protégeait plus de la haine.
Conséquence de la crise économique, la colère se déverse en tous sens et s’abat sur celles et ceux que l’on estime moins légitimes, du fait de leur apparence ou de leur culture, à vivre sur le territoire français. Cette haine est attisée par une large frange du groupe social dominant (petite bourgeoisie franchouillarde et assimilés), qui cherche ainsi à préserver son petit confort.
Les déclarations de Cambadélis sur la France sauvée par Karim et Mamadou sont d’une mièvrerie et d’un paternalisme qui préparent le terrain aux attaques racistes. Vieille habitude socialiste que de dépolitiser la question de l’immigration au profit d’un moralisme qui a montré toute l’étendue de son échec.
Les fameuses classes moyennes ont le melon, la prétention les anime. Comment pourrait-il en être autrement dès lors qu’on explique à longueur de journée que la société leur doit tout ? Sans jamais définir ce qu’elles sont, ce qu’elles représentent économiquement, ce qui les unit, ce qui les caractérise, on déclare que ce sont elles qui bossent pour les autres, qui payent les impôts pour les autres… A écouter les médias et les partis politiques PS, UMP et FN, la France c’est les classes moyennes.
Cette catégorie sociale floue devient un fourre-tout dont on exclut les plus pauvres et les plus riches, comme si un ouvrier spécialisé avait les mêmes intérêts, la même culture et les mêmes aspirations qu’un cadre supérieur. Ainsi, on agglomère des gens aux intérêts économiques contradictoires en cimentant cet assemblage hétéroclite avec une bonne dose de délire nationaliste.
En flattant les classes moyennes et en faisant des tonnes sur la France – à propos de son supposé génie de la culture, de son histoire, de la qualité séculaire de sa production artisanale, industrielle et agricole, de son rayonnement dans le monde – on crée un sentiment chauvin.
Logiquement ces braves « classes moyennes » projettent aussi leur égo lorsqu’il est question de football. La France doit gagner parce que c’est un grand pays du ballon rond. Manque de bol, les joueurs de l’équipe de France ne sont pas majoritairement issus de cette classe moyenne, la plupart sont des enfants de prolos et descendants d’immigrés.
Dans ce contexte, il est clair que la qualité de la relation entre l’équipe de France, d’une part, et les politiques et leurs relais médiatiques s’adressant aux « classes moyennes », d’autre part, repose sur les résultats obtenus par l’équipe et demeure axée sur les notions de travail et d’intégration.
Quand l’équipe de France gagne c’est grâce au génie français, à la solidarité, au travail, à l’engagement et l’esprit de corps. Quand elle perd, c’est la faute aux arabes, aux noirs et à tous ceux qui causent la perte de la France éternelle rêvée par les Finkielkraut, Zemmour et Soral.

ze pequeno

Les bleus se sont imposés 3-0 et se sont qualifiés pour le Brésil. Comme il y a quatre ans, les quartiers seront perçus comme pleinement intégrés lors des victoires et pointés du doigt, voire insultés, en cas de défaites.
Le côté positif de cette qualification, c’est la possibilité de suivre à haute dose la coupe du monde depuis le territoire français. Le foot est une drogue et on va pouvoir en prendre un maximum par petit écran interposé.
Contrairement aux défenseurs du seul génie français, les quartiers vont pouvoir aussi suivre les cousins des équipes d’Afrique et d’ailleurs, dont les joueurs ont parfois grandit en bas du bâtiment et refusé de jouer pour un pays qui leur crache si souvent à la gueule.
Quoi qu’il arrive, il y aura la fête lors des victoires des équipes supportées dans les quartiers populaires. Ces festivités seront très certainement accompagnées de « débordements » qui semblent être devenus la norme après n’importe quel évènement sportif dans le monde.
En route pour le Brésil, donc ! Un pays vers lequel les quartiers regardent nécessairement parce qu’il est celui des « favelas », un futur que certains nous promettent ici. Un pays où le Vale Tudo remplace peu à peu le football dans la tête des petits, signe que Ze Pequeno a supplanté Tony Montana et redimensionné leurs rêves.

8 Réponses to “Bleus de chauffe”

Trackbacks/Pingbacks

  1. La Feuille de Chou | Facebook s’enflamme, les rues sont calmes | Presse quotidienne radicale au capital illimité d'indignation. Ce qui n'est pas dans le Journal est dans la Feuille de Chou.La Feuille de Chou - 3 janvier 2014

    […] Main-d’œuvre pas chère, bénéfices garantis et tarifs abordables pour ce qu’on appelle les classes moyennes. Lorsque Manuel Valls chasse les Rroms, il attise le racisme envers eux et reste silencieux sur […]

  2. Alain Finkielkraut : vert de rage | quartierslibres - 13 avril 2014

    […] français à s’être exprimé à tort et à travers au sujet de l’équipe de France de football. Contribuant à l’entreprise médiatico-politique qui vise à faire de quelques dizaines de […]

  3. Alain Finkielkraut : vert de rage | quartierslibres - 13 avril 2014

    […] français à s’être exprimé à tort et à travers au sujet de l’équipe de France de football. Contribuant à l’entreprise médiatico-politique qui vise à faire de quelques dizaines de […]

  4. On ne peut pas se couper du monde | quartierslibres - 12 juin 2014

    […] composée de joueurs issus de quartiers populaires stigmatisés. Fort à parier donc qu’à travers les réactions suscitées par la prestation des « bleus », les clivages sociaux s’apprécieront, à contrario du roman national. On discutera de qui chante […]

  5. Want to free, Viva l’Algérie ! | quartierslibres - 24 juin 2014

    […] de France joue bien, pas de bol pour les racistes si prompts à dégainer des explications culturelles à des contre performances sportives. Pour l’instant, Karim Benzema est français mais au premier raté, il pourrait être déchu […]

  6. Réconciliation Nationale: Plumer les pigeons dissidents | quartierslibres - 19 décembre 2014

    […] Le FN, Soral et Dieudonné c’est Bygmalion adapté à la crise : faire trinquer les « classes moyennes » qu’on prétend défendre en les envoyant à la chasse au […]

  7. Nessun padrone, solo un capitano | Quartiers libres - 17 juin 2016

    […] Malgré ce qu’on dit d’eux, il existe des joueurs qui conservent une mémoire des jours d’avant la réussite économique. Parmi eux, Francesco Totti. Il a 39 ans, bientôt 40. Il vient de rempiler pour une saison supplémentaire dans l’unique club de sa vie. Un joueur incroyable : 3 fois meilleur buteur de la Serie A, un titre de champion de Serie A et deux Coupes d’Italie, champion du Monde avec l’Italie. Pour la Roma, il a refusé les ponts d’or du Real Madrid ou du Milan AC ; et que dire de celui de Chelsea en 2003 : Abramovitch propose 150 millions d’euros (dont 120 millions pour Totti lui-même) pour le faire signer et jouer en bleu. Il refuse. Un gars à l’ancienne loin du sport bling-bling aujourd’hui. Un mec qui sait qu’une légende du sport cela ne s’écrit pas avec des zéros sur un chèque mais avec les émotions que tu donnes aux gens. Dans 50 ans à Rome les gens parleront encore de lui avec respect et affection. L’enfant prodigue est devenu l’homme providentiel. Cette saison encore, que l’on croyait sa dernière, il sauve encore les siens. Son équipe joue sa qualification pour la ligue des champions face au Torino, elle est menée 2-1 à 4 minutes de la fin. C’est à ce moment qu’ils font rentrer « le vieux ». Ponctuel au rendez-vous, Totti plante 2 buts en trois minutes et qualifie la Roma pour la ligue des champions. Ce mec est une légende. Même quand il fait un selfie après avoir marqué le but de la victoire face à l’équipe rivale, il joue collectif. […]

  8. Nessun padrone, solo un capitano – ★ infoLibertaire.net - 17 juin 2016

    […] Malgré ce qu’on dit d’eux, il existe des joueurs qui conservent une mémoire des jours d’avant la réussite économique. Parmi eux, Francesco Totti. Il a 39 ans, bientôt 40. Il vient de rempiler pour une saison supplémentaire dans l’unique club de sa vie. Un joueur incroyable : 3 fois meilleur buteur de la Serie A, un titre de champion de Serie A et deux Coupes d’Italie, champion du Monde avec l’Italie. Pour la Roma, il a refusé les ponts d’or du Real Madrid ou du Milan AC ; et que dire de celui de Chelsea en 2003 : Abramovitch propose 150 millions d’euros (dont 120 millions pour Totti lui-même) pour le faire signer et jouer en bleu. Il refuse. Un gars à l’ancienne loin du sport bling-bling aujourd’hui. Un mec qui sait qu’une légende du sport cela ne s’écrit pas avec des zéros sur un chèque mais avec les émotions que tu donnes aux gens. Dans 50 ans à Rome les gens parleront encore de lui avec respect et affection. L’enfant prodigue est devenu l’homme providentiel. Cette saison encore, que l’on croyait sa dernière, il sauve encore les siens. Son équipe joue sa qualification pour la ligue des champions face au Torino, elle est menée 2-1 à 4 minutes de la fin. C’est à ce moment qu’ils font rentrer « le vieux ». Ponctuel au rendez-vous, Totti plante 2 buts en trois minutes et qualifie la Roma pour la ligue des champions. Ce mec est une légende. Même quand il fait un selfie après avoir marqué le but de la victoire face à l’équipe rivale, il joue collectif. […]

Commentaires fermés