L’équipe de France s’est qualifiée pour la phase finale de la Coupe du Monde de football qui se déroulera au Brésil en juin prochain. Cette qualification, s’est faite à la surprise générale et sous les critiques et les polémiques.
La défaite 2-0 en Ukraine avait de nouveau délié les langues des racistes qui accusaient les footballeurs de l’équipe de France d’être de mauvais Français.
Quand l’équipe de France gagne ou se qualifie, en règle générale, c’est la fête : « on est tous français ». Quand ils perdent, les joueurs redeviennent autre chose : noirs, arabes, musulmans, icônes du libéralisme triomphant…
Le syndrome Yannick Noah, français lors des victoires et camerounais après les défaites, a de beaux jours devant lui.
Mardi soir, alors que tout le monde attendait une sortie par la petite porte de l’équipe de France, on a assisté à un renversement de situation. Les mauvais français ont gagné 3-0 face à l’équipe nationale d’Ukraine. Improbable statistiquement, mais possible.
Sur le papier c’était jouable, sportivement c’est explicable par la qualité des joueurs alignés sur le terrain.
Mais pour certains politiques c’est juste impossible à admettre. On trouve ainsi dans les rangs de l’UMP un certain Lionnel Luca, libéral conservateur, adepte de l’idée d’un match truqué pour acheter une paix sociale et des intérêts économiques. Lionnel Luca a raté sa carrière de comique triste.
Question : comment pourrait-il y avoir une paix sociale désormais, puisque même la réussite sociale, économique ou sportive ne protège aucunement du racisme ? Harry Roselmack, bien informé parce que travaillant à la rédaction de TF1, a mis du temps à se rendre compte que le fric ne protégeait plus de la haine.
Conséquence de la crise économique, la colère se déverse en tous sens et s’abat sur celles et ceux que l’on estime moins légitimes, du fait de leur apparence ou de leur culture, à vivre sur le territoire français. Cette haine est attisée par une large frange du groupe social dominant (petite bourgeoisie franchouillarde et assimilés), qui cherche ainsi à préserver son petit confort.
Les déclarations de Cambadélis sur la France sauvée par Karim et Mamadou sont d’une mièvrerie et d’un paternalisme qui préparent le terrain aux attaques racistes. Vieille habitude socialiste que de dépolitiser la question de l’immigration au profit d’un moralisme qui a montré toute l’étendue de son échec.
Les fameuses classes moyennes ont le melon, la prétention les anime. Comment pourrait-il en être autrement dès lors qu’on explique à longueur de journée que la société leur doit tout ? Sans jamais définir ce qu’elles sont, ce qu’elles représentent économiquement, ce qui les unit, ce qui les caractérise, on déclare que ce sont elles qui bossent pour les autres, qui payent les impôts pour les autres… A écouter les médias et les partis politiques PS, UMP et FN, la France c’est les classes moyennes.
Cette catégorie sociale floue devient un fourre-tout dont on exclut les plus pauvres et les plus riches, comme si un ouvrier spécialisé avait les mêmes intérêts, la même culture et les mêmes aspirations qu’un cadre supérieur. Ainsi, on agglomère des gens aux intérêts économiques contradictoires en cimentant cet assemblage hétéroclite avec une bonne dose de délire nationaliste.
En flattant les classes moyennes et en faisant des tonnes sur la France – à propos de son supposé génie de la culture, de son histoire, de la qualité séculaire de sa production artisanale, industrielle et agricole, de son rayonnement dans le monde – on crée un sentiment chauvin.
Logiquement ces braves « classes moyennes » projettent aussi leur égo lorsqu’il est question de football. La France doit gagner parce que c’est un grand pays du ballon rond. Manque de bol, les joueurs de l’équipe de France ne sont pas majoritairement issus de cette classe moyenne, la plupart sont des enfants de prolos et descendants d’immigrés.
Dans ce contexte, il est clair que la qualité de la relation entre l’équipe de France, d’une part, et les politiques et leurs relais médiatiques s’adressant aux « classes moyennes », d’autre part, repose sur les résultats obtenus par l’équipe et demeure axée sur les notions de travail et d’intégration.
Quand l’équipe de France gagne c’est grâce au génie français, à la solidarité, au travail, à l’engagement et l’esprit de corps. Quand elle perd, c’est la faute aux arabes, aux noirs et à tous ceux qui causent la perte de la France éternelle rêvée par les Finkielkraut, Zemmour et Soral.
Les bleus se sont imposés 3-0 et se sont qualifiés pour le Brésil. Comme il y a quatre ans, les quartiers seront perçus comme pleinement intégrés lors des victoires et pointés du doigt, voire insultés, en cas de défaites.
Le côté positif de cette qualification, c’est la possibilité de suivre à haute dose la coupe du monde depuis le territoire français. Le foot est une drogue et on va pouvoir en prendre un maximum par petit écran interposé.
Contrairement aux défenseurs du seul génie français, les quartiers vont pouvoir aussi suivre les cousins des équipes d’Afrique et d’ailleurs, dont les joueurs ont parfois grandit en bas du bâtiment et refusé de jouer pour un pays qui leur crache si souvent à la gueule.
Quoi qu’il arrive, il y aura la fête lors des victoires des équipes supportées dans les quartiers populaires. Ces festivités seront très certainement accompagnées de « débordements » qui semblent être devenus la norme après n’importe quel évènement sportif dans le monde.
En route pour le Brésil, donc ! Un pays vers lequel les quartiers regardent nécessairement parce qu’il est celui des « favelas », un futur que certains nous promettent ici. Un pays où le Vale Tudo remplace peu à peu le football dans la tête des petits, signe que Ze Pequeno a supplanté Tony Montana et redimensionné leurs rêves.
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