Made in PS

27 Fév

Voilà plusieurs semaines que les relais médiatiques du PS, comme Libération et Le Monde, publient des articles et dossiers sur « le PS et les Quartiers Populaires ». Chaque article, nous présente « un bilan mitigé » de l’action du PS au pouvoir. On peut même lire des regrets émis par des cadres socialistes « c’est vrai que le rendez-vous avec les banlieues a été raté ». Comme si le bourreau pouvait prendre rendez-vous avec sa victime pour discuter à armes égales….

Le bilan mitigé est une veille ficelle pour se refaire une clientèle électorale: si le bilan est mitigé c’est qu’il y aurait des actions positives du Parti Socialiste dans les quartiers? La mise en scène des regrets et des « actions positives» devient alors l’hameçon qui permet de ramener au bercail électoral du PS de nombreux électeurs. Ces manœuvres doivent tenter de limiter l’échec annoncé aux présidentielles et aux législatives mais aussi permettre la prise de contrôle de la direction du Parti Socialiste aux lendemains des élections par le clan Hamon. Cette propagande socialiste est facilité par l’habilité rhétorique de Benoit Hamon qui lors de la campagne des primaires a su développer tout un argumentaire et des postures pour donner des signes en direction des quartiers populaires. Cette stratégie porte ses fruits puisque des militants et des associations rejoignent officiellement ou officieusement le camp socialiste.

Ainsi Salah Amokrane, militant bien connu dans la région toulousaine, ayant un parcours sincère et engagé dans les quartiers populaires a officiellement rejoint la campagne de Benoit Hamon. Si un militant comme Salah Amokrane qui au sein des Motivé-e-s, du FSQP et du Tactikollectif avait fait sienne la lutte pour l’autonomie des quartiers populaires a pu trouver des « raisons » pour rejoindre le PS, Il n’est pas étonnant que toute une clique d’opportunistes et « khobzistes » qui pullulent dans nos quartiers se pressent pour remonter dans les carrosses du PS. Ce passage à l’acte est facilité par la campagne Hamon en direction des quartiers populaires. Hamon a su défendre une « laïcité ouverte » et il sut revendiquer avec honneur et humour le prénom de Bilal que lui attribuait l’extrême droite. Voici donc un dirigeant socialiste qui part la grâce d’un prénom Islamique qui renvoi au pluralisme et à l’égalité raciale peut faire oublier le bilan sécuritaire, raciste et islamophobe du PS. Avec bien sur l’aide de l’amnésie politique : une des maladies les plus courantes au sein de la société française.

Profitant de l’actualité, c’est sous ces nouveaux habits mais avec ces vieilles méthodes que le PS d’Hamon essaye de se saisir de l’émotion autour du viol de Theo Luhaka pour redevenir un débouché politique dans nos quartiers.

Le viol de Théo Luhaka et la mobilisation réussit autour de la famille Traoré ont permis d’inscrire dans le débat public la question des violences policières et par ricochet celle des conditions de survie dans les quartiers populaires. Pour la première fois depuis longtemps la parole des premiers concernés commençait à être entendue au-delà des cercles militants traditionnels et des quartiers concernés. A 90 jours de l’élection présidentielle, le PS ne pouvait raisonnablement rester en dehors de ces mobilisations d’autant plus que la question des quartiers populaires et du racisme institutionnel reste un angle mort de la campagne de Melenchon. Les postures que prennent Hamon et le PS leur permettre de grignoter des voix dans les Quartiers Populaires auprès de celles et ceux qui ne sont pas convaincus à juste titre par la compagne de Mélenchon. Le chemin n’est pas simple pour le PS car il lui a été impossible d’exister dans le cadre de la mobilisation autour d’Adama Traoré mais il a su le faire dans le cadre de l’affaire du viol de Theo. Et bien sûr, ils l’ont fait avec les veilles recettes de SOS racisme.

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Le travail politique mené par le PS depuis 40 ans ne s’efface d’un coup dans nos quartiers. Le PS possède un savoir-faire politique, financier et médiatique qui peut lui permettre de dépasser son rejet au sein des classes populaires.

Le PS et ses satellites ont cette capacité à se projeter auprès des victimes pour très vite mettre à leur disposition des grands avocats qui sous couvert d’arguments juridiques vont pouvoir aiguiller autant que faire se peut le combat pour la justice de la famille dans de « bonnes directions ». La première des bonnes directions socialistes c’est évidemment les appels au calme et à faire confiance à la justice. Justice qui historiquement a rarement condamner les membres des forces de l’ordre dans ce type d’affaires de violences policières (morts, mutilation , viol…). Cette délégation de pouvoir aux mains de professionnel du droit se cumule souvent avec une délégation de pouvoir et de représentation à des hommes politiques du système comme le maire d’une ville.

Ce fut le cas avec la figure du bon maire de Clichy-sous-Bois dans la mort de Zyed et Bouna et cela l’a été dans les premiers jours de l’affaire de Theo avec celle plus dur à faire avaler du bon maire, Les Républicains, syndicaliste policier d’Aulnay. Ces délégations de parole, c’est la marque de fabrique de ces récupérations politiques qui permettent de maintenir les familles et les victimes dans l’isolement pour faire des violences policières des incidents isolés et en aucun cas l’expression banale d’un système d’oppression. En déléguant à l’avocat le soin de la défendre, en déléguant à un maire ou à un homme politique du système le soin de la représenter, la famille pense pouvoir obtenir justice. Malheureusement ce choix ne s’est jamais révélé juste.

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Dans l’affaire Theo, le PS est venu très vite a l’attaque. On a eu le droit a la compassion du président Hollande sur le lit d’hôpital de Theo qui était aussi sincère que celle de Ben Ali au chevet de Mohamed Bouazizi.

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L’objectif c’est de marteler dans l’espace public que l’équipe de sadique qui s’en est pris à Theo est une équipe isolée. A quelques semaines des élections cela permet à Hollande, au PS et à son candidat Benoit Hamon de ne pas avoir à assumer le bilan d’un quinquennat marqué par les violences policières dans les quartiers populaires mais aussi dans les ZAD ou face au mouvement social contre la Loi Travail.

« Nous non plus on veut plus de la police de proximité ici Parce qu’elle est beaucoup trop près pour rater sa cible ! » Despo Rutti

C’est pourquoi des tribunes médiatiques de « soutien à Theo » nous expliquent que les méthodes brutales de ces 4 policiers ne sont pas celle de la police nationale. Un peu comme chaque raciste peut faire appel a son « ami noir » pour le dédouaner de sa haine. Les signataires de ces tribunes publiées « en soutien a Theo » en appelle toujours à « leur gentils amis policier » pour nous dire qu’il existe une police républicaine. Cette rhétorique du « bon flic » permet d’éviter d’avoir à condamner les mécanismes sociaux et racistes qui font de la police française une police structurellement raciste et violente. Depuis plus de 10 ans les études comme celle du CEVIPOF montrent pourtant que plus d’un policier sur deux vote FN. Comparé au reste de la population française : c’est le double du score du FN à chaque élection. Pour gommer ces faits il suffit donc d’invoquer son ami flic républicain. Ces artifices ne trompent plus personne au quartier car chacun sait « pourquoi Zyed et Bouna courraient ». Dans le reste de la société ou les rapports sociaux et raciaux sont moins violent et les relations avec la police moins fréquentes, l’illusion d ‘une police républicaine est aussi en perte de vitesse. La répression du mouvement social mais aussi les défilés des milices policières cagoulées et armées dans les nuits parisiennes de l’hiver 2016 ont affaiblit cette illusion d’une police au service de la population.

« Plus d’excuses, les gens savent très bien pour qui ils votent 52% de fils de putes à Vitrolles » AKH

Un flic qui a aujourd’hui moins de 40 ans comme les agresseurs de Théo a vécu une année sur deux de sa vie dans un pays dirigé par le PS. Le PS a tenu les manettes de l’état plus de 20 ans depuis 1981 : 5 ans de 1981 à 1986, 5 ans de 1988 à 93, 5 ans de 1997 à 2002, 5 ans de 2012 à 2017. Les policiers violeurs et violents ne sont pas des créations ex nihilo. Ils n’existent que parce que le contexte social et politique permet leur existence. Tout un symbole la dernière loi de la mandature socialiste, la dernière loi du quinquennat Hollande autorise désormais les policiers à tirer après deux sommations et prévoit aussi un doublement des peines les « outrage à agent » et l’anonymisation des policiers impliqués dans des affaires de violences policières. Cette nouvelle loi contribue comme toute les autres lois sécuritaires votées par le PS à renforcer l’impunité policière et encourage les comportements racistes et violents d’une police qui vote majoritairement le FN. Là où il faudrait reprendre en main cet appareil policier, les socialistes lui lâche encore un peu plus la bride.

Le PS porte, comme tous les partis de gouvernement, une écrasante responsabilité dans la production, la gestion et l’utilisation de cette force policière qui aspire aujourd’hui ouvertement à un état fort et qui est prête à se conduire en troupe de chocs pour le FN ou pour n’importe quel dirigeant qui ferait-elle le pilier de son ordre social injuste et raciste. La police s’autonomise et se pose en acteur politique face à la population et au pouvoir politique. Il n’y pas pire hypocrisie aujourd’hui que de déplorer le viol de Theo en essayant de sauver la police nationale.

Le PS a bien compris qu’il y avait pour lui un combat idéologique a engager pour éviter que cette illusion d’une police républicaine s’écroule totalement et l’entraîne à devoir assumer son bilan sécuritaire. Bilan qui se traduit concrètement dans nos quartiers par les violences du quotidien exercé par les BST et les Bac. C’est pourquoi il a cherché à torpiller la tribune de quartier XXI qui posait le caractère structurel des violences policières au travers du cas d’Adama Traore. Le PS et ses alliées ont réussi le tour de force de mêler les signatures de cet appel à la tribune de Steevy Gustave,ex-maire adjoint socialiste de Brétigny-sur-Orge, figure incontournable de l’Entertainment en mode SOS racisme.

Des artistes et sportifs qui s’engageaient sur cette question des violences policières systémiques ont donc vue leurs noms accolés par Libération à ceux du show-biz en mode SOS racisme. Libération, principal relais médiatique de SOS Racisme et du PS, a pu ainsi mélanger Patrick Bruel et cie signataires de la tribune de Steevy à la une de Libération avec de nombreux artistes issues des quartiers populaires qui s’investissent aujourd’hui auprès des familles de victimes signataires de l’appel de Quartiers XXI.

La manipulation a pu bien fonctionner car le milieu du show biz, en mode quartier, reste structuré par les financements publics culturels. Steevy Gustave à l’origine de la tribune « Intox » est le monsieur spectacle de SOS racisme. Malgré les mise en scène médiatiques d’un rejet plus ou moins sincère du PS, les relations avec les partis de gouvernements et particulièrement le PS ont toujours existé pour de nombreux artistes mainstream et militants de nos quartiers. On oublie trop facilement le poids socialiste «dans les milieux culturels et politiques » au niveau local et national.

Steevy Gustave est l’incarnation de ces liens entre PS et artistes. Il est entre autre l’organisateur depuis 4 ans du concert « hip hop live » qui réunit les plus grandes stars du hip hop en mode Charlie ou pas mais toujours en mode cachet.

Pour l’édition de janvier 2016 à La Cigale il expliquait dans Le Parisien « Après les événements de Charlie Hebdo, où il y avait eu une polémique parce que certains rappeurs n’étaient pas Charlie, il était important de faire passer un autre message, car ces artistes représentent la banlieue ».

En 2016 Kery James, Youssoupha, Imany et plein d’autres artistes étaient réunis pour célébrer la Fraternité avec Steevy et faire passer « un autre message » sous les ors de la République Française.

hip hop livre concert bretigny sur orge la cigale. photo de kery james et Steevy Gustave l organisateur. Et puis de Rayane 9 ans et de Youssoupha

Kery James et Steevy Gustave

La réapparition de SOS Racisme et de ses partenaires dans ce type de luttes n’est qu’une preuve de plus que le PS est à la manœuvre et ne veux pas voir émerger des initiatives autonomes. Ainsi il n’a pas été étonnant de constater que ce sont des véhicules, du matériel et du personnel de la ville de Paris, dirigé par le PS, qui ont servi lors du rassemblement en soutien à Théo, le samedi 13 février à la place de la République, à l’appel de … SOS Racisme.

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La collusion entre PS et SOS Racisme n’est pas qu’idéologique, elle est aussi financière et logistique comme en témoigne aussi la présence d’un service d’ordre professionnel et payé pour accompagner toute la manifestation de SOS racisme. A défaut d’avoir des militants ils ont de l’argent qui permet d’avoir des soldats.

L’illusion que le PS peut être un débouché ou un allié politique pour nos quartiers reste tenace dans le milieu artistique mais aussi dans le milieu militant comme en témoigne ceux qui font le grand saut vers le PS en mode Hamon ou ceux qui juge encore utile de rencontrer secrètement ou pas Benoit Hamon.

Le monde militant étant ce qu’il est : bavard et peu fraternel. Aucune de ces rencontres ne reste bien longtemps secrète forçant certains à des outings pour justifier plus ou moins maladroitement leur présence au QG de Benoit Hamon. D’ici quelques semaines quand certaines de ces rencontres secrètes entre artistes, militants et Benoit Hamon se transformeront en appel à voter et à soutenir le candidat socialiste, il y aura encore des naïfs et des amnésiques pour découvrir ces petits arrangements au derniers moments.

Ces rencontres avec le PS qui toutes n’aboutiront pas à des appels à voter PS sont le témoin de la force de l’influence du PS sur les quartiers populaires. Le PS a structuré une représentation politique dans les quartiers populaires depuis 40 ans, cela ne s’efface pas en une pétition ou un serment. Le prix à payer pour construire un mouvement autonome passe par toutes ces phases de trahison pour le PS ou un à un les opportunistes et les militants en mal de reconnaissance tentent leur chance auprès du PS. Écrire cela ne signifie pas que rien ne bouge dans le bon sens. Comme le résume Said Bouamamas:

« Depuis la révolte des quartiers populaires de 2005, une multitude d’expériences collectives se sont déployées. Fragiles, éparpillées, parcourues de contradictions, elles n’en sont pas moins une recherche d’alternatives au face à face individuel avec l’institution policière. Des collectifs de familles de victimes des violences policières, aux multiples petits regroupements affirmant une volonté d’autonomie et d’auto-organisation, en passant par la multiplication des espaces de débat ou d’éducation populaire, la dignité tente de se donner une forme d’expression publique organisée. »

Parfois des acteurs de cette autonomie pour des raisons personnelles parfois complexes font le choix de se rallier au PS. Ces ralliements qui peuvent freiner le mouvement ne peuvent le détourner de sa direction. Le PS est un astre mort, qui brille encore et qui attire à lui encore des papillons de nuit mais c’est un astre mort. L’appel de nombreux artistes sur des initiatives comme l’appel de QXXI ou la marche du 19 mars témoigne de cette bascule des rapports de forces dans le show biz. Kerry James comme d’autre incarne cette bascule. Celui qui à soutenu la candidature de Ségolène Royale en 2007 est aujourd’hui un des parrains médiatiques de la marche du 19 mars.

le-banlieusard

Bien plus significatif que les postures de radicalité sincères ou surjouées dans le showbiz, l’appel par exemple du comité « Justice pour Theo » pour la marche du 19 mars témoigne lui aussi de cette perte d’influence du PS.

Malgré son travail pour contenir le combat pour la justice de la famille de Théo dans le cadre des institutions et de l’indignation morale traditionnelle de « l’anti racisme folklorique et bon enfant dans l’euphorie des jours de fêtes », les réseaux PS n’ont pas su empêcher la famille de se saisir de cet espace de mobilisation qu’est la marche du 19 mars.

justice-pour-theo

Au-delà des postures et des inimités dans le milieu militant, la marche du 19 mars, peut permettre d’inscrire un rendez-vous national dans l’agenda politique de la campagne présidentielle sur la question des violences policières. Dans un contexte électoral où le recours aux lois sécuritaires, liberticides et parfois racistes devient l’alpha et l’oméga de nombreux candidats à la présidentielle, y participer sera l’occasion de rappeler qu’il y a de l’honneur et de « la légitimité de se situer « hors-la loi » ».

« Certains diront je m’en fous de vos trucs, de vos lois,

Contre-lois, manifestations. Bande de bidons !

C’est pas un morceau de rappeurs qui fera peur

Mais on peut quand même engrener, engrener, engrener

Allons enfants dans cette saloperie !

Bougez vos fions, question ! Ca parle de révolution

Prendras-tu des munitions ?

Beaucoup jouent les hardis, pardi

Et ne veulent pas mourir !

Alors, vas-y toi, dis moi comment tu veux le paradis… »

11’30 Contre les lois Racistes

manif-19-mars

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