Peurs ancestrales

27 Mai

Lorsqu’une énormité est balancée dans les médias et reçoit un écho, il devient très difficile d’expliquer tous les tenants et les aboutissants à celles et ceux qui ont subi le bombardement médiatique, aux gens qui en ont pris plein les yeux et les oreilles.

La vitesse du flux des informations ne permet pas de réfléchir et d’apprendre, d’avoir le recul nécessaire. La difficulté de vérifier les sources permet à des charlatans toujours plus nombreux de se faire passer pour des experts et de propager n’importe quelle rumeur.

Les spécialistes reconnus dans un domaine scientifique sont sommés de répondre par « oui » ou « non » à une question complexe et souvent mal posée.

Internet et l’accès à une multitude d’informations en ligne créent l’illusion que n’importe qui « sait » parce qu’il a consulté Wikipédia et survolé deux articles. À l’opposé, l’accès au  « savoir » prend du temps et demande de l’attention, sans faire appel au sensationnel.

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Lorsque Jean Marie Le Pen nous crache au visage qu’Ebola peut régler le problème de l’immigration africaine et musulmane, il ne fait pas seulement qu’exprimer le vœu de voir mourir des millions de personnes sur des critères ethno-raciales et religieux, il répand aussi des contres vérités scientifiques.

Pour résumer sa pensée : Ebola c’est une maladie d’Africain.e.s et il n’y a pas à s’en préoccuper si on est un bon Français, en somme blanc. Avec un peu de réflexion et quelques notions de sciences acquises au lycée, on se rend compte à quel point ce genre de déclaration est stupide et dangereuse.

Tout d’abord, Ebola est un virus et donc ne se soigne pas avec des antibiotiques.  A ce jour, il n’y a pas de remède curatif ou préventif connu : la mort intervient dans 90% des cas. C’est une fièvre hémorragique. Ce type de virus est présent ailleurs qu’en Afrique, comme en Thaïlande.

Pour l’instant il semble que ce genre de virus se développe sous des climats tropicaux. Mais on sait que le propre des organismes vivants c’est de s’adapter en mutant.

Ce qui freine la propagation de ce virus c’est qu’il tue rapidement, empêchant toute propagation sur le long terme et sur de grandes distances, pour le moment. Il suffirait d’une légère évolution du virus pour que le monde entier soit touché.

Les êtres vivants sur terre (humains inclus) ne sont pas arrêtés par des frontières. Si jamais Ebola devient une pandémie, elle risque d’être mondiale. Ce qui entrainerait une disparition de larges fractions de la population humaine sur terre.

On peut faire le parallèle avec la propagation de la peste noire au Moyen-Âge. Cette pandémie s’est propagée depuis les confins de la Chine et de la Mongolie jusque dans toute l’Europe et le bassin méditerranéen.

Bruegel la peste

Partout la population a diminué de 30% à 50%. Sans avion ou autres moyen de transports rapide et dans un monde autrement plus enclavé que celui d’aujourd’hui, il a fallu un peu plus de 5 ans à une bactérie pour changer la société. L’implantation des populations, les économies et les modes de productions, les relations sociales : toutes ont été impactées. Comme souvent en Europe, à défaut de comprendre ce qui se passe ou d’admettre que la nature a aussi son mot à dire, il a fallu taper sur quelqu’un pour se défouler : les Juifs ont été désignés comme coupables.

Avec un peu d’instruction, on peut se rendre compte de la stupidité des déclarations de Jean Marie Le Pen. Avec un peu de recul, on peut aussi contredire la version  « complotiste », vendue par les amis de Jean Marie Le Pen, selon laquelle c’est un coup de « on-sait-bien-qui » pour contrôler le monde. Les mentalités et représentations politiques et culturelles évoluent moins vite que les virus.

Lors de l’affaire de la grippe aviaire, on a pu mesurer à quel point les autorités ont à la fois conscience du danger qu’une pandémie représente et à quelle point elles sont démunies dans leurs réponses concrètes face à cette menace.

Le postulat qui explique que les dirigeants et dominants veulent faire mourir les populations est une aberration. Moins il y a de main d’œuvre, plus elle est doit être payée cher. La peste noire a fait disparaitre le servage : une pandémie comme la peste mettrait toute l’économie mondiale par terre et celles et ceux qui en profitent avec elle.

Les chefs d’état et d’entreprise sont intelligents et ne souhaitent qu’une chose : conserver leur position dominante. L’hypothèse du virus créé en laboratoire et testé sur les populations pour vendre un antidote très cher est bancale. Les pertes causées par les problèmes de main d’œuvre ne pourraient pas être compensées par la vente d’un médicament. Celles et ceux qui vendent des histoires d’un projet secret de contamination de la planète par une certaine « élite », sont les héritiers de ceux qui racontaient que les juifs avaient empoisonné les puits lorsque la peste ravageait le monde.

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La peur inconsciente d’une pandémie se reflète  à travers les productions de fiction. Depuis une dizaine d’années, les films sur des pandémies mortelles mais aussi sur les zombies (le mode de contamination et l’aspect des « zombies » sont similaires aux grandes maladies et à leurs victimes) se multiplient. Le succès de ces films révèle à quel point notre société se sait à la merci d’un fléau comme Ebola.

Un virus ne fait aucune distinction de couleur de peau ou de religion. Il nous ramène à notre condition commune, celle de simples mortels.

Souhaiter la mort d’autrui en espérant être épargné c’est admettre qu’on peut se repaitre de la misère. Profiter d’une catastrophe pour en tirer un bénéfice, c’est se repaitre de la misère.

Ignorer volontairement ou non les causes des catastrophes et désigner à la vindicte populaires des victimes expiatoires, c’est entretenir la misère.

La peur n’évite pas le danger, elle l’entretient et fait vendre.

4 Réponses to “Peurs ancestrales”

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