Mais non, Robert Ménard n’est pas facho

25 Mar

Ménard-Méridien Zéro

« Vous avez vu les sondages ? Je suis en position d’être maire à Béziers ! Preuve que nous ne sommes pas la représentation de la peste bubonique en marche. »

 

Ça c’était avant les élections du 23 avril. Depuis, Robert Ménard a fait plus de 45% à Béziers, mais comme il n’est pas encarté au FN et qu’il maîtrise les codes médiatiques mieux que les commentateurs de service, ceux-ci sont un peu gênés aux entournures : « alors voilà, en fait il est « soutenu par » le FN, mais il n’est pas au FN, et d’ailleurs d’autres forces républicaines le soutiennent. Il est donc « atypique » comme candidat ». C’est vrai ça, le RPF de Christian Vanneste, le MPF de Philippe de Villiers ou Debout La République, bref tous les groupuscules ultra-réactionnaires coincés entre l’UMP et le FN sont derrière Ménard, mais attention : ils sont ré-pu-bli-cains. Et comme il est sympa et avenant, le candidat pas FN, tout le monde s’empresse de rajouter qu’en plus il a de bonnes relations personnelles avec son adversaire socialiste. C’est normal : Robert, il aime le débat. Il adore ça, même. Bon c’est vrai que depuis quelques temps, il a un peu tendance à ne « débattre » qu’avec des affreux, mais c’est pour la bonne cause ! Pour éviter la violence, pour promouvoir le débat d’idées. C’est sans doute ça d’ailleurs ce qu’il était aller plaider au Local de Serge Ayoub le 15 mai 2013, quelques jours avant que les disciples de  « Batskin » ne tuent Clément Méric.

Ménard 15-MAI-2013

Mais la violence, c’est mal, il n’en faut pas. Et d’où qu’elle vienne hein : dès qu’il a été question de dissoudre les JNR ou d’autres groupes de brutos nazillons après le meurtre de Clément Méric, Ménard est monté au créneau : « Il faut dissoudre les groupes d’extrême gauche ». Ya pas de raison, c’est vrai ça. L’ennemi, c’est la pensée unique, la « bien pensance », celle qui empêche d’avoir un vrai débat. Un vrai missionnaire de la liberté d’expression ce Robert. Quand il était petit dictateur en chef de Reporters Sans Frontières, il ne fallait pas rigoler avec ça, d’ailleurs. Surtout à Cuba ou au Venezuela depuis l’élection de Hugo Chávez, sauf pendant le coup d’Etat caricatural de 2002, mené par Pedro Carmona, le chef du patronat, proche de l’Opus Dei et soutenu par la CIA. Là, il n’y avait plus personne. Mais bon, tout le monde peut avoir une absence. On ne l’a pas non plus beaucoup entendu sur l’ingérence des grands patrons dans la presse. Mais c’était de la prudence élémentaire : on ne mord pas la main qui vous nourrit. Ni sur la répression des journalistes d’Indymedia pendant les manifs anti-G8. Mais bon, Indymedia, c’est à peine des journalistes : ils fréquentent des gens qui critiquent la mondialisation et ça c’est vraiment violent.

L’essentiel c’est le débat, encore le débat, rien que le débat. Débat chez Ayoub, donc, chez Dieudonné, chez Soral, chez Jean-Yves Le Gallou, ex-fondateur du Club de l’Horloge, ex-député FN, gnome néo-païen ex-mégrétiste. Débat à la Traboule, le nid des Identitaires lyonnais d’où sortent régulièrement des ratonnades ultra-violentes et des chasses au bolchevique (le bolchevique, comme concept chez les fafs lyonnais, c’est vaste). Débat autour des petits fours de Jacques Bompard, à l’Assemblée Nationale. Débat chez les royalistes du Cercle de Flore (on ne sait jamais : si le Roy revenait demain matin, il faudrait peut-être défendre la liberté d’expression, alors autant anticiper). Débat sur l’antenne de Méridien Zéro, la radio du Mouvement d’Action Sociale, le groupuscule ouvertement néo-fasciste, qui rêve les yeux ouverts de devenir un Casapound à la française, autre bande de joyeux débateurs italien qui a du sang sur les mains.

La liberté d’expression ça n’a pas de prix, et Robert ne s’arrête pas à ce genre de détails. Il paye de sa personne, et sans compter : dès qu’il faut soutenir une cause honteusement menacée par la dictature des bien-pensants, il est là, présent, fidèle au poste, inflexible. Souvent il dit qu’il n’est pas tout-à-fait d’accord, mais c’est ça l’esprit de sacrifice : il y a des principes avec lesquels on ne badine pas : c’est pour ça qu’il a pris la tête du comité de défense de Générations Identitaire, les arrière petits-fils en jaune poussin de Charles Martel qui avaient occupé la Mosquée de Poitiers. C’est pour ça qu’il console le pauvre Zemmour à qui on fait bien des misères, ou qu’il a toujours soutenu Dieudonné, autre victime innocente d’une cabale du Système, comme dit la boutique Le Pen. C’est aussi pour ça qu’il a signé la pétition pour la libération du néo-nazi Vincent Reynouard, en compagnie de tout le gratin négationniste. Mais n’allez pas dire qu’il est antisémite : ça n’a rien à voir. Et puis son avocat, Gilles-William Goldnadel (sisi, le même, celui du CRIF, celui qui défend Patrick Buisson), ne manquerait pas de vous attaquer. C’est aussi pour ça qu’il trouve insupportable qu’on n’entende plus la voix de Thierry Meyssan sur le 11 septembre-qui-n’a-pas-eu-lieu, et qu’il lui repasse le micro.

On ne défend pas une aussi noble cause sans danger. À force, on lui a cherché des poux dans la tonsure à Robert : on lui a reproché d’inviter Bernard Lugan, et de lui avoir donné une tribune sur son site Boulevard Voltaire. Où est le problème ? C’est parce qu’il est monarchiste, Lugan ? Ou qu’il écrivait dans Minute ? Ou qu’il parle à Radio Courtoisie ? Mais c’est pas grave ça, c’est même tendance : le conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, faisait pareil, alors… Et puis Lugan, c’est une pointure, un vrai spécialiste de l’Afrique et de ses problèmes d’inégalité des races. Quand il enseignait l’histoire de l’Afrique à Lyon III, il avait même réussi à passer pour le plus facho de la « fac Pinochet », , alors que la concurrence était pourtant rude : Bruno Golnisch, Bernard Notin, Pierre Vial… Pour mardi-gras, il venait déguisé en colon ! Avec bermudas et casque colonial ! Un vrai comique ! Ça vaut bien une invitation, non ? Et puis pourquoi en voudrait-il à Bernard, Robert ? Ils sont d’accord sur la réévaluation du rôle positif de la colonisation française. Et sur la grandeur de l’Algérie française, auquel Ménard vient de consacrer un essai sobrement intitulé Vive l’Algérie Française ! (Le précédent c’était Vive Le Pen ! On n’est pas sûrs de vouloir connaître le titre du prochain…) C’est une bonne idée d’ailleurs, de réévaluer le rôle positif de la France en Algérie à Béziers, où les pieds-noirs sont légion (et inversement). C’est vrai que Robert est né à Oran et que le père Ménard était à l’OAS, du coup c’est plus fort que lui…

En résumé : il ne faut pas se tromper : Robert Ménard n’est pas facho, il n’est pas au Front National, il accepte juste les soutiens qu’on veut bien lui accorder, c’est tout. D’ailleurs il ne partage que 80 % des positions de la maison Le Pen. Il n’est pas (tellement) de gauche, c’est vrai, il a fait toutes les manifs pour tous parce qu’il ne veut pas que les homosexuels influencent sa fille, il est pour la peine de mort, pour la torture (dans certains cas, hein faut pas exagérer non plus), il a confié son site internet à un webmaster de l’Opus Dei, sa référence en matière de traitement des Musulmans en France, c’est Renaud Camus et il a des identitaires dans son équipe, en plus des braves gens du FN et de la Droite Populaire. Mais de là à prétendre que c’est un faf, il y a un pas (de l’oie) qu’il ne faut pas franchir. Il est juste pour qu’on dédiabolise le programme du FN. Et pour le mettre en application dès dimanche prochain.

2 Réponses to “Mais non, Robert Ménard n’est pas facho”

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