Un monde (de) malade

28 Juil

Certains assassins sont autant des islamistes que le gouvernement Hollande est de gauche.
Telle est la conclusion à laquelle on arrive quand on regarde le parcours du tueur de masse de Nice. Cet assassin préparait son passage à l’acte depuis des semaines… mais il s’est radicalisé en quelques jours. En gros, Daech a juste servi de porte-drapeau à un dingue. Il faut oublier les récits fantastiques de BFMTV et toutes les âneries des politiques français refusant de voir que les causes principales du massacre résident dans la misère sociale que sème sans relâche les politiques libérales dans nos quartiers depuis plus de 40 ans.
Farhad Khosrokhavar le résume ainsi :

« On déstabilise la société en lui laissant penser que c’est la toute-puissance de l’islam radical et que l’on ne peut lutter contre. Il y a des phénomènes de radicalisation réels suffisamment inquiétants comme ceux qui ont conduit aux attentats du 13 novembre et de Bruxelles (…) Son cas relève de la psychiatrie, pas de l’idéologie. L’explication est davantage à chercher du côté de ses troubles pyschopathologiques. Il a eu des problèmes familiaux et des démêlés avec la justice, il a aussi dans son histoire souffert de dépression. Il a pété les plombs. Avant, ces gens-là se suicidaient, aujourd’hui, avec l’environnement créé par Daech, ils emmènent dans leur mort des victimes innocentes. Daech donne une couverture à des gens déséquilibrés pour se parer de l’apparence du héros négatif. Les pouvoirs publics, François Hollande en tête, ont donné un sens idéologique à un déséquilibré mental. Ce n’est pas du terrorisme: il ne veut pas changer l’ordre du monde, il veut donner un sens à son malaise. »

Si on regarde ce qui s’est passé à Nice, on a un type qui présente, d’après le procureur Molins, les caractéristiques suivantes:

«Les témoignages font état d’un individu très éloigné des considérations religieuses, ne pratiquant pas la religion musulmane, mangeant du porc, buvant de l’alcool, consommant de la drogue, et ayant une vie sexuelle débridée ».

Ce constat ne gênera pas le même procureur Molins pour nous vendre son concept de radicalisation minute, obligeant ainsi des centaines d‘enquêteurs de l’antiterrorisme à chercher désespérément le moindre fait pour étayer la version gouvernementale.
Pendant que la crème de l’antiterrorisme épluche les mails d’un malade mental, des tak-taks, dont l’un est fiché et porte un bracelet électronique à la cheville, passent à l’action en Normandie. Cela en dit long sur l’efficacité des services de sécurité français plus préoccupés de plaire à leurs maitres que de nous protéger des tak-taks.
Pire encore, lors de sa première conférence de presse, le bon procureur Molins reconnaissait que l’attentat n’avait pas été revendiqué, que l’individu abattu par la police n’était pas radicalisé et qu’il était inconnu des services de renseignement. En donnant son nom dès les premières déclarations gouvernementales et en affirmant malgré l’absence de revendication et de passé takfiriste de l’auteur que ce massacre de masse portait la signature de Daesh, les conditions étaient réunies pour permettre à l’État Islamique de revendiquer opportunément l’attaque plus de 36 heures après le massacre.

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Lorsque que ce sont ses soldats, comme en Normandie ou le 13 novembre, la revendication de Daech arrive dans la foulée. Grâce au gouvernement français, un fou pu ainsi devenir un soldat du califat. Face à la tuerie de Nice, Gouvernement et Daech concordent dans leur récit : on peut devenir un djihadiste en un claquement de doigt. Cela permettra le déploiement de politique sécuritaire envers chacun d’entre nous, qu’il soit musulman ou non, rigoriste ou simple pratiquant, puisqu’avec ce précèdent inventé par l’état français et confirmé par Daech, un Tak-tak assassin de masse peut être un « non musulman ».
L’on peut donc être totalement barré comme le tueur de Nice et être pris au sérieux par la société française quand on vous colle une étiquette takfiriste.
Il y a 15 ans Al Qaïda recrutait des intellectuels capables de piloter des avions pour attaquer les USA, aujourd’hui pour attaquer la France Daech se contente de prêter son label à un paumé avec le permis poids lourds. On a les ennemis qu’on mérite.
Même un journal qui traite habituellement les données avec un peu plus de recul comme Mediapart se joint au consensus général en expliquant que le profil du tueur de Nice est un profil classique du terroriste de Daech. La pression est forte. Comme disait Coluche, « il y a plus de racistes que d’étrangers en France, autant se fâcher avec les moins nombreux ».
Car en France, l’islam est souvent représenté comme une dinguerie, et pour le faire on n’hésite pas promouvoir des imams en carton comme Chalgoumi qui viennent confirmer par leur attitude caricaturale que décidément l’islam c’est juste bon pour les paumés ou les abrutis. Le racisme ça se fabrique, les élites de France misent sur l’islamophobie pour détourner la colère sociale.

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Dès lors rien de plus logique et normal que de faire passer les takfiristes, qui croient en une interprétation marginale et radicale du message divin, pour des débiles ou des asociaux. Le problème c’est qu’ils ont su maintes fois mettre à profit ce mépris à leur égard pour semer la mort. Il faut reconnaître, surtout si on les combat vraiment, qu’ils ont une vision du monde et un projet politique et qu’ils se donnent les moyens d’appliquer leur doctrine. Ils mettent sur pied des opérations de mort pour faire peur, sont prêt a enrôler tous les paumés suicidaires pour nous précipiter dans un choc des civilisations qui fait d’eux les frères jumeaux des néoconservateurs occidentaux. La réponse du gouvernement français à ces provocations ? Bombarder la Syrie et tuer des innocents. C’est la logique, aussi irrationnelle soit-elle, du «choc des civilisations» qui nous mène à l’abîme.

Autant il est indéniable que les tueries de janvier et novembre 2015 sont l’œuvre de groupes structurés et de takfiristes organisés politiquement et militairement, autant cela ne saute pas aux yeux pour le massacre de masse perpétré à Nice. Le tueur de Nice, contrairement aux autres, n’est jamais parti à l’étranger pour se former. Il n’avait pas été surveillé comme ceux qui ont mis en place l’attaque de Normandie. Il n’avait pas une culture politique djihadiste et n’a laissé aucun manifeste comme l’ont fait les takfiristes du 13 novembre ou un autre tueur de masse politique comme Breivik.
Pour monter son opération solitaire, voilà plus d’un mois que le tueur de Nice fomente son plan en vendant ses biens afin d’acquérir des armes, toujours selon le procureur Molins. Contrairement à ce qui est raconté dans les reportages à charge sur nos quartiers, ça n’a pas l’air si simple d’acquérir des armes dans la vraie vie si on regarde le mode opératoire au couteau des assassins normands ou celui du tueur de Nice qui s’est vraisemblablement fait refiler des armes factices par ses fournisseurs. Un conseil pour les avocats de ces escrocs de quartiers qui ont refilé des armes factices à un dingue : demandez la Légion d’Honneur pour vos clients, sans leur cupidité et leur sens des affaires dignes du capitalisme du 21ème siècle, le tueur de Nice aurait pu faire un carnage encore plus monstrueux.
Si on n’arrête pas les politiques néo-impérialistes françaises et les soumissions au libéralisme économique, les massacres comme celui de Nice ou ceux qui l’ont précédé et ceux qui ne manqueront pas de le suivre continueront de se produire jusqu’au basculement de la société française dans la guerre civile. Chacun de ces massacres permet de nous formater la tête avec des récits délirants. Politiques et médias dominants ou complotistes élaborent à partir de ces retours de flammes des guerres impériales et des ravages du libéralisme des histoires spectaculaires pour nous abrutir. S’il y a une tuerie, c’est de la faute aux musulmans pour les uns ou des juifs pour les autres. C’est bien plus simple à dire que d’expliquer pourquoi nos cités ressemblent parfois à des hôpitaux psy à ciel ouvert et qu’à mesure qu’on dérègle le monde du travail et que nos impôts ne servent plus à la solidarité sociale mais à remplir les poches d’une oligarchie, la violence ne cesse d’augmenter partout dans le pays.

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Un malade mental devient par la magie de la parole du Premier Ministre un djihadiste. Le récit va dans le sens bien raciste des trente dernières années. Cela consiste à marteler que l’Islam est fatalement une religion de tarés et de criminels. Ce constat tombe à pic, les politiciens ont des projets d’internement pour tous le monde : pauvres, contestataires musulmans. Promis, on construira les camps et les prisons pour les islamistes radicaux. Comme le 3eme Reich a ouvert les camps de concentration pour la cinquième colonne communiste « inféodé au judéo-bolchevisme » ? On va créer des camps, c’est un métier d’avenir d’être en haut d’un mirador.
La route qui mène au chaos est pavée de déclarations chocs. On ne différencie plus la manière dont les JT traitent l’information d’un programme de téléréalité. Avec le tueur de Nice, c’est le jackpot : du racisme, du sexe « débridé », de l’islamophobie, des enfants tués, des flingues, de la drogue, de la folie et même du Free Fight.
Avec en bruit de fond permanent des débats à n’en plus finir sur qui cognera le plus fort sur le peuple syrien qui n’a rien demandé et qui doit se débattre entre une dictature, les takfiristes et les jeux des puissances étrangères.
La société va mal. Pas qu’en France, la société marchande mondialisée délivre partout son flot de folie meurtrière. C’est le cas dans des pays en paix comme le Japon. La seule chose qui permet de ne pas craquer à tous les niveaux est l’abrutissement par tous les moyens et la croyance en un ennemi intérieur vers qui tourner la vindicte populaire.

Plus de trente ans de guerres impérialistes au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde ont généré tellement de malheurs et de souffrances que cela déborde ici dans des flux d’horreur où tout se mélange. Nos quartiers en sont le réceptacle. Ils ont servi de laboratoire de la politique répressive et libérale partagée par un arc de pouvoir allant du PS au FN en passant par Les Républicains. Tous nous font miroiter « la vie de rêve » à certains d’entre nous s’ils collaborent, s’ils ont de la chance ou du « talent » ou plus prosaïquement s’ils n’ont aucun scrupule. Les autres sont bons pour la casse.

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Un tel monde ne peut pas tenir. La guerre à grande échelle rode, elle cherche juste par où commencer. Comme l’ont montré les mobilisations contre la loi « travaille ! », en haut ils ne peuvent plus tenir que par la violence d’état et en bas on n’en peut plus de subir cette hagra.
Nous n’avons pas d’autre choix que d’affronter cette époque et être la hauteur de cette tâche. Tous les liens de solidarités concrètes que nous tissons dans nos quartiers sont des points d’appui pour construire le monde de demain, libéré des oppressions de classe, de race et de genre.
« Socialisme ou barbarie » : l’équation non résolue du 20ème siècle doit être réglée au 21ème siècle. Il y a urgence.