Le printemps n’était pas au rendez-vous cette année et c’était le 65ème anniversaire de la Nakba : il n’y a pas de hasard, ces deux événements sont liés.
Cette phrase peut faire sourire, mais il va sans doute être possible de trouver d’ici peu des vidéos sur internet expliquant que le phénomène climatique du moment est la conséquence d’un plan précis d’asservissement mondial par une élite. La finalité de cette opération est de faire venir le diable en personne sur terre.
Depuis quelques années, et surtout depuis le 11 septembre 2001, les théories les plus délirantes apparaissent sur le net et formatent notre perception des faits. Ces explications du monde reposent sur deux principes : « tout est lié » et « il n’y a pas de hasard ». Le processus narratif récurrent est simple : les malheurs que traversent le genre humain sont le fruit d’une machination mise au point par un groupe secret ultra puissant et ayant pour but de répandre le mal absolu.
Illuminatis, sionistes et autres sectes franc-maçonnes et même parfois les extra-terrestres sont l’explication à ce qui cloche dans l’histoire de l’humanité.
Face à la complexité du monde et sa description partielle et partiale par les médias dominants, une explication globale et simple est tentante. Peu importe que cette version alternative des faits ne soit pas étayée de preuves ou comporte des incohérences chronologiques, elle offre une explication confortable à tous points de vue.
Tout d’abord, il existe un mal absolu qui nous absout de toute faute. Le mal est là, nous ne pouvons rien y faire, il nous reste juste à le subir.
Ensuite, le complot est la matérialisation des agissements d’une minorité maléfique à laquelle peu de gens appartiennent.
Pour résumer ces deux points : on ne peut lutter contre la puissance magique du diable et on n’appartient pas non plus aux « franc-maçons », aux « sionistes » et autres supposés dévots diaboliques. Ce n’est pas de notre responsabilité si tout part en vrille.
Pour finir, le pouvoir économique, financier et militaire que détient ce groupe malfaisant est tel que toute action pour lutter contre lui est impossible.
Ces théories reposent sur la croyance. Quels que soient les « vilains » du scénario, il n’y a pas de preuves tangibles de l’existence du complot planétaire mis en place.
Les arguments utilisés trouvent leur source dans l’imaginaire historique et politique occidental.
La pratique quant à elle est utilisée par à peu près tous les pouvoirs depuis la nuit des temps : désigner un bouc émissaire à la vindicte populaire pour faire oublier la domination. La plupart des textes servant de base à ces théories sont des faux. Tout repose sur l’envie de croire en un ennemi tout puissant du genre humain.
Alors que le projet de domination est censé être secret, les organigrammes de sectes maléfiques ou le détail des plans de domination remontant à 2500 ans foisonnent sur le net. Sans citer leurs sources, ils donnent des noms et des visages aux dirigeants secrets de ces forces obscures. Aujourd’hui, les personnes qui se servent de l’explication du complot « illuminati », « franc-maçon » ou « sioniste » ne le font pas pour nous éclairer.
Ils se servent de cette disquette pour glisser un logiciel de diversion.
Alors que les injustices et les discriminations qui frappent les quartiers populaires n’ont jamais été aussi fortes, la présentation d’une théorie désignant un petit groupe facilement identifiable comme coupable des horreurs commises ici-bas est confortable. C’est sur eux que doit s’abattre la haine et la colère, car sans eux tout irait bien
Le complot sert aussi à justifier le système économique et social et normaliser la situation. Il est sain, ce sont juste quelques parasites qui pourrissent l’ambiance. Rien ne sert de se battre pour plus de justice, il faut juste trouver des coupables.
La croyance dans un complot mondial renforce le pouvoir en place. Le pouvoir ne peut être vaincu: quand il y a une révolte, c’est toujours un coup monté. Cette analyse n’encourage pas à l’action mais à la contemplation et à la résignation.
A quoi bon se battre si on est convaincu que les outils de lutte ou les mouvements de contestation sont contrôlés par les serviteurs du côté obscur ?
Si on regarde la banalité des faits, le mal se cache effectivement dans une bouteille de gazouz
Pas parce qu’on voit les cornes du sheitan sur l’étiquette, mais parce que le simple fait d’acheter cette bouteille fait tourner la machine à broyer de l’homme : pillage des ressources naturelles et exploitation de la main d’œuvre pour faire un maximum de profit sur les ventes d’un produit mauvais pour la santé.
Pas de complot, pas de diable. La banalité du mal et la résignation au quotidien. Juste ce qu’il faut, un tout petit peu de confort, pour préférer croire que l’on n’est responsable de rien.
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