Si BFMTV met en valeur le FN à destination du grand public, il y a fatalement la place pour un « contre discours » mais qui doit partager la même vision politique et économique que le Front sous couvert de dissidence. Ce créneau est en partie occupé par Alain Soral.
Au cours de ses diatribes, il appelle au vote FN ou à l’abstention : question « dissidence » on a fait mieux. Mais sa petite affaire fonctionne très bien. Il convient de rappeler qu’Internet n’est pas un média « libre ». C’est un média « libéral ». Il faut payer pour y avoir accès, il faut des professionnels pour la gestion d’un site, s’occuper du référencement du site et des vidéos.
Bref, pour avoir de l’audience il faut investir. Pour investir, il faut de l’argent. C’est dans ce cadre qu’avoir des amis chefs d’entreprises spécialisés dans la communication (comme Frédéric Chatillon) ou avocats fiscalistes (comme Philippe Péninque), ça aide.
Tout comme le FN, Soral joue la carte « anti système », mais sa démarche s’inscrit clairement dans la logique de part de marché et de buzz du marché de la communication sur internet.
Clashs, insultes, détournement de faits historiques et d’actualités… le tout à des fins de propagande couplée à une promotion personnelle. Soral suit la recette de Jean Marie Le Pen époque Reagan, à propos du FN : « qu’on en parle en bien ou en mal, mais qu’on en parle ».
En quelques années, Soral est passé de personnage médiatique de second plan à star d’Internet. Sa stratégie de communication fonctionne parce que les médias conventionnels sont perçus, souvent à juste titre, avec méfiance par le grand public.
Son argument de vente part de deux constats justes, pour arriver à une conclusion délirante : « les médias mentent et je n’y suis plus invité : c’est que je dis la vérité ». Ce procédé est une constante chez lui.
Les médias ne sont pas neutres et déforment parfois les faits ; Soral n’est plus invité sur les plateaux télés: la vérité n’a rien à voir là-dedans. Soral s’est brouillé avec ses mentors du petit écran, sa version des faits est la même que celle de Zemmour mais avec comme bouc émissaire « les sionistes » (terme utilisé à la place de juif pour s’économiser des procès).
La réalité finit toujours par rattraper les gens qui racontent des fables. Durant des années années, Soral a vendu sur son site Aymeric Chauprade comme un chercheur indépendant, un expert neutre. Aujourd’hui, Aymeric Chauprade est candidat tête de liste FN en Île de France pour les élections européennes.
Comme Soral, Chauprade a des positions favorables à la Russie de Poutine. C’est d’ailleurs ce dernier qui semble avoir influencé Marine Le Pen sur ses positions de politique internationale. Poutine est un grand leader selon Soral. Pourquoi ? Parce qu’il est opposé aux USA et donc à « l’Empire » et au « sionisme » selon le polémiste. Peu importe si dans les faits, Avigdor Liebermann, un des leaders de l’extrême droite israélienne, a lui aussi une ligne pro russe.
L’opposition de Poutine aux pays occidentaux est basée sur une logique de concurrence, pas sur une quelconque alternative politique et économique. Comme d’habitude Soral ne défend pas une alternative au système économique ou internationale, mais un concurrent parmi d’autres dans la compétition capitaliste.
L’une des cibles du bizness politique spectacle de Soral, les quartiers populaires et les Musulman.e.s. C’est pourquoi il multiplie les opérations de communication flatteuse à destination des Musulman.e.s.
Or, Poutine a massacré des dizaines de milliers de Tchétchènes et est clairement hostile aux Musulman.e.s. Pour rendre Poutine sympa aux yeux des habitants des quartiers, Soral met en avant le côté « viril » du chef d’état russe. Soral en bon colon part du principe que les musulman.e.s ne respectent que les hommes forts.
En plus d’être un « ennemi » des USA, Poutine n’aime pas les homosexuel.le.s. Pour Soral avoir une haine commune c’est la base d’une alliance. Il tente de masquer que l’un des éléments qui rapproche le FN et Poutine c’est l’islamophobie la plus brutale :
Marine Le Pen a déclaré il y a peu de temps qu’elle partageait avec Poutine des valeurs européennes basées sur l’héritage chrétien.
« Monsieur Poutine est un patriote ». A ce titre, le président russe et la présidente du Front national, Marine Le Pen, partagent des valeurs communes pour défendre l’héritage chrétien de la civilisation européenne, a affirmé cette dernière dimanche 18 mai dans la presse autrichienne. « [Vladimir Poutine] est attaché à la souveraineté de son peuple. Il a conscience que nous défendons des valeurs communes. Ce sont les valeurs de la civilisation européenne », a expliqué Marine Le Pen dans un entretien accordé au quotidien Kurier.
« Il ne retrouve probablement pas ces qualités de courage, de franchise, et de respect de l’identité et de la civilisation dans d’autres mouvements politiques français », a-t-elle ajouté. « La manière dont il dirige le pays, [montre que] c’est un homme attaché aux valeurs, encore faut-il reconnaître ces valeurs. Le Parti socialiste ne les reconnaît pas », a-t-elle attaqué. Ces valeurs sont celles de l' »héritage chrétien » de la civilisation européenne, « car nous ne contestons pas l’héritage chrétien de la civilisation européenne », a poursuivi Marine Le Pen.
Or la mission et le gagne-pain de Soral c’est de faire rentrer dans le rang une partie des Musulman.e.s de France. Ses objectifs, donc: soumission et assimilation en faisant du profit.
BFMTV et les autres grand médias montrent le côté ouvertement islamophobe du FN, quand de son côté Soral vend du rêve à qui veut bien y croire quand il théorise et explique que le FN permettra à la France de retrouver sa splendeur, celle du temps de l’empire colonial.
Que ce soit les grand médias ou le chantre autoproclamé de la « dissidence », la montée médiatique du FN étouffe tout développement d’un discours contestataire et alternatif. D’où l’utilité du FN et de Soral pour les classes dominantes.
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