Pour sa campagne municipale de 2014, le Front National déploie une propagande massive et couteuse, dont la violence vient infirmer les efforts de dédiabolisation de Marine Lepen.
Les tracts municipaux retiennent rarement l’attention, il s’agit le plus souvent de photos de candidats ou de mise en page peu élaborées qui ambitionnent d’expliquer les points d’un programme politique. Il y est souvent question de budgets. A vrai dire, ces prospectus ressemblent davantage à des Power-Point qu’à un travail sérieux de communication. On peut rire de leur amateurisme ou de la présence de couleurs criardes mais ils ont le mérite de prétendre en partie s’adresser à la raison.
La propagande du Front National fait exception. Faut-il y reconnaître à nouveau la patte de la société de communication Riwal, société dirigée par Frédéric Chatillon, dont nous avons déjà évoqué l’existence et l’action de conseil auprès d’Alain Soral et de Dieudonné ? L’avenir nous le dira. En revanche ce dont on peut être sûr, c’est qu’aussi professionnelle que soit la réalisation, l’univers est bien celui de l’extrême droite : méthodes et propos sont sales. Il faut aussi avoir en tête que cette initiative ne peut être une lubie du candidat local car la direction du FN a déclaré avoir un contrôle total sur la communication du parti.
Une sale campagne
Une campagne sale mais logique, car dans l’idéologie des nationalistes, le chef dirige le peuple, il n’a pas besoin de se faire comprendre, d’éduquer ou de convaincre, il doit diriger. Il peut donc utiliser avec un cynisme assumé, toutes les armes dont il dispose. Et pour tromper le peuple tous les moyens sont bons, ceux issus de la propagande de guerre, ceux élaborés par le capitalisme pour vendre et pénétrer des marchés ou ceux développés par les scientifiques pour sonder les variations de l’opinion.
La campagne suisse anti-immigrés de l’UDC comme source d’inspiration
En étudiant les affiches et les tracts on distingue les changements de stratégie de communication et on constate que l’exercice s’apparente à celui des publicitaires. Nous dénoncions ici la constance des nationalistes à désigner l’immigration comme centre des problématiques de la société française, préoccupation qui revient sans cesse dans leur iconographie. La dédiabolisation du FN, sa conquête d’un électorat plus large a provisoirement obligé le parti à développer une autre communication effaçant les signes graphiques des années 90, une communication de la « raison » basée sur de pseudos arguments économiques, une communication rassurante et fédératrice, martelée à l’aide de slogans tels que « Unis les français sont invincibles », slogan volé aux révolutionnaires sud-américain soit-dit en passant.
Quand on a les moyens, on peut se permettre de rebondir sur l’actualité. Ainsi le résultat de la votation Suisse fermant les portes à l’immigration européenne a encouragé le parti à raffermir sa ligne et à revenir à sa communication d’origine. D’autant plus que l’UDC, le parti d’extrême droite à l’origine de la votation suisse, est l’auteur d’une intense campagne visuelle à l’encontre des musulmans présentés comme des criminels, des envahisseurs ou des moutons noirs.
Sale, on vous disait.
Mais la campagne graphique de l’UDC a touché son but, suggérer la peur d’une invasion. L’agence de communication du FN trouve en ce changement de cap une occasion trop belle de pouvoir exercer son talent et revenir à ses préoccupations d’origine. Le musulman ayant remplacé l’immigré dans l’imaginaire frontiste, il ne reste plus qu’à utiliser photoshop et rassurer les partisans de la première heure qui craignent un fléchissement de la ligne originelle.
« Vous voulez voir ça arriver en France ? »
Dans le Val de Marne, dont Dominique Joly est le secrétaire départemental du FN, également ancien du GUD et ami de Frédéric Chatillon, les nationalistes reviennent donc à leurs fondamentaux. Une femme de couleur de peau basanée ou noire, portant un niqab (et non une burqa comme indiqué sur le tract) est photographiée déposant un bulletin dans une urne. Un texte placé en haut apostrophe le lecteur : « Vous voulez voir « ça » arriver en France », l’emploi du « ça » déshumanise cette femme, lui déniant le droit à l’humanité. Mais l’image parle d’elle même, en un seul visuel tout l’imaginaire anti-musulman est sollicité. C’est là que réside la force de l’image, elle utilise les présupposés et les références graphiques conscientes ou inconscientes assimilées. Des années de représentation, depuis les postes de radio de l’époque coloniale jusqu’à nos sites internet et Unes de nos journaux, conditionnement et façonnent nos représentations.
La femme voilée est dans l’imaginaire occidental la représentation ultime de la soumission de la femme, au delà même de la prostitution ou de la violence conjugale. D’autre part, la femme voilée porte la marque du sceau d’une infamie supplémentaire car sa soumission est présumée volontaire. Elle passe donc de victime à complice et vecteur de l’invasion musulmane en France. L’impression de duplicité est renforcée par le fait que sur l’affiche la femme a du vernis à ongles. L’isoloir et la symbolique du vote sont dans le discours dominant la représentation ultime de la démocratie et de la « République ». L’opposition des deux images crée un effet antagoniste qui accroche le spectateur et dérange en présentant un « élément hostile » dans un environnement présenté comme « vertueux » pour créer un effet de sacrilège. Les rideaux de l’isoloir dont le parallélisme évoque les tours du world trade center peaufine l’ensemble de la représentation achevant d’apporter leur concours à l’évocation du « choc de civilisations ».
Le diable est dans les détails
Mais le Front National, on s’en rappelle, a le sens du détail. Si on y porte bien attention on peut distinguer sur le bulletin de vote en transparence, la mention « François Hollande », il s’agit là d’un pied de nez coutumier à la gauche gouvernementale et un rappel quant au fait que les quartiers votent encore massivement contre les droites. Mais si on regarde encore plus attentivement la carte d’identité posée sur le bord de l’urne, (il faut pour cela zoomer avec un logiciel), on s’aperçoit que sur la carte d’électeur le nom est inscrit en arabe. Ce souci de graphiste, cette minutie apportée à un montage photo destiné à provoquer le rejet et qui en l’état accomplissait déjà son objectif, en dit long sur l’état d’esprit qui anime les cadres de ce parti, tant de zèle confine à la rage et à l’obsession, à la volonté de régler des comptes. Celles et ceux qui participent à la campagne de brouillage « égalité et réconciliation » orchestrée par Frédéric Chatillon et animée par son sbire Alain Soral, voient leurs arguments voler en éclats face à la violence de la propagande du FN.
Beaucoup d’hommes politiques expriment leur mépris envers nos quartiers et nos conditions sociales, mais il est clair qu’avec le FN, aujourd’hui comme hier, la haine déborde du cadre.
33 Réponses to “FN : Quand la haine déborde du cadre”