Dimanche 9 mars 2014, Riposte Laïque et les Identitaires ont défilé dans Paris. On pourrait se satisfaire du fait que leur cortège était peu conséquent. Mais avec cette partie de la mouvance des droites radicales, l’important n’est pas le nombre de militants qu’elle mobilise sur le terrain mais sa capacité à mettre en avant des mots d’ordre racistes et à les rendre compatibles avec le discours dominant. Comme le dit un de leur leader, Pierre Cassen, il y a 5 ans les slogans et revendications étaient beaucoup plus mesurés. Aujourd’hui ils peuvent aller très loin.
Une fois repris par un parti comme le FN, ce mélange donne des représentations qui débordent du simple cadre de la discussion politique.
Ils sont peut-être peu nombreux, mais leur discours progresse dans sa diffusion et dans sa violence. Malgré les explications d’experts, la campagne des élections municipales montre clairement que les arguments économiques du FN sont toujours relégués au second plan, derrière une attaque des immigré.e.s et principalement des musulman.e.s.
Les Identitaires et Riposte laïque ne sont pas majoritaires dans leur mouvement, mais ils donnent la direction d’une ligne politique qui permet d’être audible auprès du plus grand nombre. Ils savent rendre le racisme présentable.
Le terme Reconquista est maquillé en « remigration », moins agressif et dont l’aspect technocratique donnera l’opportunité de faire des projections démographiques et économiques délirantes.
Christine Tasin, figure de proue de Riposte Laïque, explique à la fin de cette manifestation que l’oppression des minorités juives ou homosexuelles en France commence avec l’arrivée des immigré.e.s de culture musulmane. Bonne blague. C’est un exemple typique de ce qu’on nomme aujourd’hui « l’homonationalisme »[1], qui consiste en la récupération et l’instrumentalisation par des forces réactionnaires et/ou issues de droites radicales d’un argumentaire en apparence favorable à la cause homosexuel.l.es.
Son travail militant a pour objectif de rendre les musulmans responsables de tous les maux de la société.
Son discours permet de rendre audible le racisme grâce à un vernis « républicain ». Cette ligne est calquée sur celle des partis d’extrême droite du nord de l’Europe.
On est « républicain » parce que laïque (entendez « non musulman »), et on doit se battre contre les musulmans qui auraient une vision totalitaire de la société.
C’est la ficelle grossière qu’utilise le FN pour attaquer les immigrés, depuis sa création jusqu’à aujourd’hui.
La laïcité est acquise à la naissance ou par conversion aux valeurs de la France éternelle : le saucisson et le pinard.
Le tour de passe-passe est gros mais il fonctionne, parce que la crise aidant, la haine du voisin prend le pas sur n’importe quel critère. C’est ainsi que Batskin (l’ami de Dieudonné qui tape sur les immigrés pour se faire entendre et connaitre) est devenu compatible avec les valeurs de la démocratie parlementaire.
Grâce à Riposte laïque, il est désormais possible pour les droites radicales qui ont massivement collaboré avec l’occupant nazi d’opérer un renversement dans leur discours et de faire oublier leurs responsabilités historiques. Être islamophobe, c’est pouvoir se travestir en « résistant » face à l’occupation du territoire français par des « hordes musulmanes ». Serge Ayoub qui prenait la parole devant un drapeau à croix gammée est à considérer comme un « résistant ».
L’apéro « saucisson pinard » contre les prières de rue a permis à Marine Le Pen d’assimiler l’immigration à l’occupation nazie. C’est ainsi que dans le discours on passe d’ancien collaborateur à résistant sans avoir changé ses positions.
Il faut se rappeler que lors de cet événement à caractère ouvertement raciste, on retrouvait à trinquer ensemble toutes les tendances des droites radicales. S’ils sont en concurrence d’un point de de vue stratégique, ils partagent une vision commune de la société.
Lors de cet événement, toute la famille était réunie: les Identitaires, Riposte Laïque, Serge Ayoub, Frédéric Chatillon.
Si aujourd’hui le discours islamophobe est à ce point virulent, c’est que ceux qui en font la promotion (de Zemmour à Tasin, en passant par Marine Le Pen) n’ont pas grand monde en face.
La gauche est divisée sur le sujet, et des nervis d’extrême droite profitent de la situation pour faire des diversions et s’enrichir au passage.
Si le discours de Tasin est audible par le bloc majoritaire de la population française, il est en revanche très agressif envers les musulman.e.s qui seraient tou.te.s des « nazis ».
Cela tombe bien, il se trouve qu’Alain Soral qui se définit lui-même comme « national socialiste » et dont l’association a été lancée par Frédéric Chatillon, un proche de Marine Le Pen, se charge de faire passer les musulman.e.s pour des nazis.
À travers sa propagande ou ses réseaux, Alain Soral œuvre à la polarisation de l’attention des musulman.e.s en direction de chimères. Il utilise la rumeur, le mensonge afin de faire basculer une partie des musulman.e.s dans un combat qui n’est pas le leur.
Grâce à ses partenaires d’affaires (Abdelali Baghezza, Farida Belghoul), il fait sous-traiter la lutte des catholiques traditionnalistes par une partie des musulman.e.s.
Sa mission est de détourner une partie des musulman.e.s des Luttes sociales, des bureau de vote, ou bien d’encourager le seul vote FN. Les actions les plus réactionnaires et les moins « tolérables » de la droite catholique sont portées par des musulman.e.s : une aubaine qui donne presque raison à Christine Tasin et qui peut être exploitée par le FN au nom de la défense de la laïcité.
En renforçant la haine et le sentiment communautaire, ces courants politiques de droite radicale détournent l’attention des problèmes concrets qui pourrissent notre vie quotidienne. Il n’y a pas de solutions concrètes aux problèmes du logement, du travail, de la répartition des richesses dans les discours de Tasin, de Soral ou du FN. Il y a juste la prise en compte qu’il n’y pas assez de place pour tout le monde, et qu’il faut donc faire disparaitre d’une manière ou d’une autres des populations.
On va chercher à rendre coupable la personne qui vit à côté de nous en fonction de ce qu’elle est, ce qu’elle mange, comment elle s’habille.
Les droites radicales poussent à l’affrontement, et tentent de faire croire que la solution tombera du ciel quand le FN sera aux commandes du pays parce qu’il châtiera les coupables et fera de la place.
Pas de solution, mais la punition.
Pour savoir qui est vraiment dans le collimateur, il suffit de savoir reconnaître l’ennemi intérieur: celui qui fait l’unanimité contre lui chez la famille nationaliste et consensus au sein de la population.
31 Réponses to “Pas de Solution, mais la Punition”